
J’ai beau résidé de nouveau sous les Tropiques, il est toujours sympathique de voyager un peu en BD. Cela faisait un moment que je n’avais pas inscrit mes pas dans ceux de notre bédéiste globe-trotter. L’opus n’est pas récent, mais j’avais gardé un excellent souvenir de ses aventures birmanes et israéliennes.
Cette fois-ci, le voyage est solitaire et de courte durée, il assure une mission dans un studio d’animation au SEK, Scientific Educational Korea. Eh oui, la mondialisation a même gagné ce domaine artistique et la France sous-traite en fermant quelque peu les yeux sur les pratiques dictatoriales…
Le principe est identique à celui des autres albums. Guy Delisle propose un carnet de voyage mêlant anecdotes personnelles, pages de son quotidien et focus sur certains aspects ou lieux du pays. Le tout dans un dessin noir et blanc au trait assez simple. L’idée est de traduire une certaine immédiateté du propos.
Nous le suivons donc à travers Pyongyang, « ville fantôme dans un pays ermite », où le faste marmoréen contraste avec l’absence d’éclairage. Loin d’être totalement impassible, le décor est froid, austère, et les rues peu animées. Il faut dire que les allées et venues des étrangers sont contrôlées, qu’il existe des parcours obligés et qu’il est quasiment impossible de côtoyer la population, si l’on excepte les guides et interprètes censés les suivre comme leur ombre. Ajoutons à cela que les étrangers (quelques privilégiés qui rentrent au compte-goutte dans le pays) sont également cantonnés dans des hôtels, tous sis sur une île interdite aux nord-coréens, histoire de préserver l’imperméabilité des mondes occidentaux et coréens.
« Misère ! Qu’est-ce qu’y faut pas faire pour bosser dans le dessin animé ! »
Le quotidien manque donc un peu de piment, même si Delisle et ses acolytes s’autorisent quelques légers interdits. C’est vite limité lorsque bars et restaurants sont vides ou fermés. Il reste bien quelques statues gigantesques à l’effigie de Kim Il Song ainsi que les musées de l’amitié à visiter, mais il est vite lassant de constater que ces hauts lieux touristiques n’ont pour seule raison d’être, que celle de participer à cet incroyable culte de l’image instauré par le père du peuple et poursuivi par son fils. La propagande est omniprésente, oppressante. Pourtant le juché, ou le principe d’autosuffisance, est à l’évidence une fumisterie officielle.
« Chaque immeuble a sa banderole.
Chaque mur a son portrait.
Chaque poitrine a son badge. »
Le ton, empreint d’humour, est assez sarcastique mais le récit tourne un peu en boucle, s’enlise même dans les sous-sols coréens, à l’image du narrateur qui peine à trouver de quoi s’occuper dès qu’il a quitté son bureau. Son ennui est palpable et finit par gagner un peu le lecteur.
