
J’inaugure aujourd’hui un nouveau rituel – qui ne reprendra que mi-avril à mon retour d’Australie – : La séance du dimanche soir, puisque c’est avec un ciné que j’ai pris l’habitude de clôturer mon week-end.
Au menu du jour, le long métrage que Rachid Hami dédie à son frère, Jallah Hami, mort lors d’un « bahutage » cauchemardesque une nuit à St Cyr. Il est en effet des rites de passage et des traditions malsaines qui peuvent rimer avec tragédie et porter un coup d’arrêt à une jeune vie prête à servir la France et non à se noyer dans une rivière aussi glaciale que boueuse.
Profondément déçu par le verdict du procès – la Grande Muette a manifestement toujours du mal à reconnaitre ses pleines responsabilités en toute transparence – Rachid Hami éprouve le besoin de lui rendre hommage en optant pour un angle relativement intimiste, même si Ismaël, le grand frère fictif est prêt à en découdre pour obtenir la vérité ainsi que des funérailles et des honneurs pour celui qui n’a même pas eu la chance de mourir au combat. Ne cédant jamais à la tentation de la haine, ni à celle du film à procès, il évoque cette perte douloureuse dans le cadre de la famille, et plus particulièrement de la fratrie. D’Algérie à la France en passant par Taiwan, ce sont les souvenirs fraternels et leurs relations aussi houleuses que délicates que le cinéaste analyse avec amour mais aussi sans concession. Il n’était pas toujours facile d’être le « mouton noir » face à cet « enfant de la réussite » que personne ne voulait perdre. Pas simple non plus d’être l’ainé de parents qui se déchirent sur fond d’une Algérie confrontée à sa propre tragédie.
Si l’on peut déplorer quelques longueurs dans la narration de leur séjour à Taipei (qui s’expliquent sans doute en partie par le financement) le film s’impose par sa dignité et par la finesse de ses analyses sur la fratrie. Côté casting, j’ai apprécié la sobriété de Laurent Laffite qui campe un général quelque peu tourmenté par son souci d’honnêteté. J’ai aimé, comme à chacune de ses apparitions sur le grand écran, l’authenticité et la justesse de Lubna Azabal (alias la mère). Mais c’est sans doute Karim Leklou qui m’ a le plus bluffée. Il campe un Ismaël plus vrai que nature et terriblement émouvant dans son besoin d’amour…