Littérature française

Rentrée littéraire (7), « Blizzard », Marie Vingtras, L’Olivier, 2021




Un excellent premier roman !

Comme le titre le laisse deviner, ce roman c’est d’abord toute une ambiance, glaçante et ventée à souhait, quelque part en Alaska. Un lieu sans nom, « une terre de désolation qui suinte le malheur », une nature sauvage presque hors du temps. Pour vivre là, il faut y être né, avoir une âme de trappeur ou quelque secret à cacher. 

Pourtant ces fameux grands espaces vont être le lieu d’un huis clos, intense et savamment construit. Il faut dire que les habitants ne se comptent pas à la pelle ! Outre Bénedict Mayer, le natif de l’histoire qui est plutôt du genre taciturne, la bourgade se limite à Clifford, un alcoolique notoire aux regards et aux intentions pas toujours très nets ; à Cole, un rustre raciste et misogyne, qui cache plus d’un cadavre sous le tapis et au vieux Freeman, le seul noir des kilomètres à la ronde, ancien militaire et policier en quête de rédemption. Bess, la californienne, est arrivée comme par accident à moins qu’il ne s’agisse d’une fuite et perturbe sans forcément en avoir conscience la quiétude du lieu…Réveillés par ce vent à décorner les bœufs et par la situation qui tend à pousser les êtres dans leurs plus profonds retranchements, les tensions, anciennes ou non, les non-dits et les secrets, ne tardent pas à créer un climat aussi inquiétant que délétère.


Le récit s’ouvre sur l’un de ces terribles jours de blizzard, un temps qui rappelle à l’homme toute sa finitude. Les quelques habitants du coin finissent de se préparer au mauvais temps avant de se replier au coin du feu. Impossible de mettre un pied dehors sans mettre sa vie en péril. Chacun le sait. Il faut vraiment s’appelait Bess Morgensen et n’avoir pas deux sous de jugeote , pour mettre un pied dehors, de surcroit avec un gosse ! Il faut être encore plus dingue, pour laisser ce gosse d’à peine 10 ans s’échapper, simplement parce qu’on a besoin de renouer ses lacets. Il n’est vraiment pas certain que le très haut potentiel intellectuel du gamin soit la meilleure arme pour éviter les chutes, les animaux sauvages et le froid mortifère.

Benedict Mayer, qui adore d’ordinaire ces tempêtes lorsqu’il les vit depuis sa fenêtre, n’a pas d’autre solution, que de partir à leur recherche, embarquant dans son sillage son voisin Cole, qui n’a de cesse de maudire « cette furie en jupons » et cette balade imprévue. Braver cette tempête, c’est comme « entrer dans le ventre du diable », surtout un jour de gueule de bois.

L’intrigue, fort bien menée, nous est ensuite livrée sur le mode d’un puzzle qu’il nous faut reconstruire au fil des monologues intérieurs qui se succèdent. Livré à l’attente ou à un cheminement difficile au cœur de ces éléments déchainés, chacun laisse affleurer ses souvenirs, ses angoisses, ses motivations parfois sombres, ses blessures et ses désirs, ses fantômes aussi, comme autant de pièces qui viennent progressivement éclairer cette partie d’échecs.

« Tout le monde cache au moins un secret. »


Le roman, imprégné de toute une atmosphère empruntée à la littérature anglo-saxonne et à certains bons films de série B, flirte donc avec le thriller psychologique. La tension dramatique est à la hauteur de cette aventure incroyablement humaine.

Qu’il s’agisse de la construction de l’intrigue, des choix narratifs, de la peinture des personnages ou de l’écriture, on ne perçoit aucune fausse note dans ce roman. Marie Vingtras maitrise son art à la perfection et saura sans nul doute s’imposer dans le paysage littéraire. 

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