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« Facteur pour femmes », tome 2, Quella-Guyot et Cassier, Grand Angle 2021


Le premier opus nous avait tant ravis, qu’il eût été dommage de ne pas apporter une suite aux aventures de ces Bretonnes qui n’ont pas froid aux yeux.

Pour rappel, l’intrigue se déroule sur une île indéterminée, aux alentours de la Grande Guerre. Le premier tome évoquait le jeune Maël, malmené par un père violent et autoritaire, qui se voyait nommé facteur à défaut de pouvoir défendre la patrie au front en raison d’une infirmité. Ce dernier, découvrait tous les secrets du corps féminin et du plaisir auprès des femmes désormais esseulées.

Le second tome s’ouvre sur le mois d’août 1918. La fin de la guerre approchant, il faut envisager le retour des hommes, les amis, les frères, les fiancés, les maris et les amants…Longtemps attendu, ce retour n’apparait cependant pas comme une heureuse perspective à toutes. Quoique difficile, la période fut en effet une renaissance, et ce à plus d’un titre. Elles ont d’abord dû assumer les tâches des hommes et se sont souvent révélées à elles-mêmes. Elles ont aussi fait l’expérience de la liberté. Pourquoi devraient-elles se contenter à nouveau des fonctions subalternes et se cantonner à la cuisine ou au jardin ? Les hommes aspireront forcément à reprendre leur place et à retrouver ce qu’ils considèrent comme leurs prérogatives. Mais elles ont aussi redécouvert leurs corps, capables de folies, l’amour aussi parfois. Certaines demeurent inconsolables.

L’autre difficulté qui se pose à elle est de parvenir à garder le secret. Même si Maël n’est plus de ce monde pour constituer une menace directe, son ombre plane d’autant plus comme une menace sur l’île qu’elles ne sont pas innocentes dans sa disparition. Chacune doit se taire, ce qui n’est pas toujours si simple. Mais il est encore plus délicat de museler la parole des gosses. 

Construit sur le mode de l’analepse et des récits emboités, l’album prend des allures de confidences. Linette, la fille de Maël, qui n’a pas eu le loisir de connaitre son père, découvre des photos et s’interroge en effet sur la présence de nombreuses femmes aux obsèques de son père. Sa grand-mère lui raconte donc ce que fut cette guerre après la guerre, celle des maris, des hommes qui se gaussent de voir la Germaine de porter la culotte et d’apprendre à faire du vélo, mais qui s’inquiètent d’une indocilité générale. Certains sont même sensibles à certaines rumeurs…beaucoup mènent leur petite enquête.

Le scénario, empreint d’humour, tient le lecteur en haleine. Il faut dire que ces femmes ont du tempérament et que la tempête fait régulièrement rage, au propre comme au figuré.

Le texte , qui file les métaphores et multiplie les jeux de mots, m’a semblé plus abouti, plus poétique, que dans le premier opus. Le changement de dessinateur, contraint par les occupations de Sébastien Morice, n’a pas nui à la qualité. Cassier a su s’inscrire dans sa suite tout en proposant sa touche personnelle. Le graphisme est frais, dynamique, Cassier a vraiment grand sens du mouvement. A cela s’ajoutent une belle précision des détails, une palette de couleurs ravissantes, entre douceur et tempête, ainsi qu’ un chouette travail sur les corps. Par ailleurs, le jeu de variation sur les cases, les plans et les angles sied parfaitement au rythme du scénario. 

Un bel album donc, très travaillé, comme en témoignent les études ou extraits de story-board présentés en fin d’ouvrage. 

Lecture effectuée dans le cadre de

hébergée cette semaine chez Moka

18 réflexions au sujet de “« Facteur pour femmes », tome 2, Quella-Guyot et Cassier, Grand Angle 2021”

    1. Pour avoir échangé avec lui, je sais que le travail de Quella Guyot est patient, soigné et ce tome 2 témoigne d’une évolution constante. Les deux tomes constituent un chouette ensemble !

      Aimé par 1 personne

  1. Contrairement à toi, j’ai été déçue par ce 2ème tome alors même que j’avais adoré le premier. J’ai trouvé les illustrations moins belles et même le scénario moins bon.

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  2. J’ai beaucoup aimé le premier, et j’ai peur d’être déçue par ce deuxième. D’abord par le graphisme qui, d’après la couverture, me plaît moins. Mais d’après ce que tu en dis, je n’ai pas à m’en faire!

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