
Je termine mon incursion dans le théâtre sulfureux de Sarah Kane avec sa première pièce qui fut créée à Londres, au Royal Court Theatre, le 12 janvier 1995, dans une mise en scène de James MacDonald et qui sera jouée à la Comédie Française du 10 novembre au 5 décembre prochains, dans une mise en scène de Simon Deletang
Cette pièce, fort critiquée lors de sa création, est considérée comme l’un des plus grands scandales de l’histoire dramatique, tant par la représentation de la violence qu’elle propose que par la violence esthétique qu’elle constitue. On conçoit aisément qu’elle puisse apparaitre comme un attentat.
L’intrigue se présente comme un huis-clos dans une chambre d’hôtel très luxueuse : lit kingsize, mini-bar, champagne et grand bouquet de fleurs s’offrent en effet au regard impressionné de la jeune Cate lorsqu’elle y pénètre avec Ian, un ancien amant qui espère bien refaire sa conquête. Tout semble les opposer. Cate a à peine 21 ans. Petite bourgeoise du sud, elle appartient à un milieu modeste. Assez gamine, impressionnable, elle souffre d’évanouissements répétés et aspire à un amour plus serein. Journaliste de son état et originaire du Pays de Galles, Ian a 45 ans et des allures de bourreau blasé.
» J’ai chié dans des endroits mieux que ça » s’exclame Ian assez blasé.
Alcoolique, raciste et animé d’une soif de possession problématique, il ne semble pas prêt à la laisser s’échapper.
La fable ne dit pas pourquoi cette pauvre fille accepte cette nuit dans cet hôtel avec ce type qui la traite d’idiote à longueur de temps et la maltraite, d’autant qu’il est muni d’un révolver. Manifestement, ces deux-là sont englués dans un rapport d’amour-haine délétère.
» Tu es odieux »
La pièce s’organise en 5 scènes, relativement courtes, autant d’étapes qui scandent le glissement de cet espace luxueux à la guerre civile naissante qui envahit progressivement le plateau. Visé par un tir de mortier, l’hôtel se voit en partie détruit, permettant au chaos et à la violence intimes de se conjuguer avec l’horreur du monde, à l’image de ce soldat armé d’un fusil à lunette qui fait irruption dans la chambre.
Les répliques sont courtes, minimalistes même. Adepte du courant In-Her-face, essentiellement fondé sur la provocation, Sarah Kane déroule un théâtre subversif.
La violence psychologique et verbale s’accompagne d’une violence sexuelle et physique. On rote, on défèque, on urine sur les oreillers. Rires démoniaques, masturbations, fellations, viols et cannibalisme occupent le plateau, brisent bien des tabous et interrogent immanquablement notre conception de l’humain. Celle du théâtre aussi, peut-être…
« Nous devons parfois descendre en enfer par l’imagination pour éviter d’y aller dans la réalité. »
Pas sûre que ça me plaise…
J’aimeJ’aime
Son univers est très particulier, et une fois mis en scène cela doit pouvoir être perturbant. Mais j’avais vraiment envie de connaitre.
J’aimeJ’aime