Littérature étrangère

« 4 48 Psychose », deSarah Kane, L’Arche,créée en 2000


Cette pièce, qu’elle présentait comme un « sténogramme sur la maladie de la mort » est la dernière œuvre de Sarah Kane. Créée et publiée après son suicide, elle apparait forcément comme une œuvre testament au vu de son sujet. 

Le rideau s’ouvre sur un silence, et sur une atmosphère un peu surréaliste, inquiétante. Le personnage n’est ni nommé, ni prénommé. Il est d’abord question d’ » Une conscience consolidée » qui « réside dans une salle de banquet assombrie près du plafond un esprit », une conscience qui devient un simple JE, comme s’il n’avait même plus la force ou la volonté d’Être. On pressent d’emblée son désespoir, son horreur de soi, la honte et sa folie. Au-delà des larmes, elle ne peut plus rien que foncer vers sa mort, qu’elle a fixée à 4h48 précises, « quand le désespoir fera sa visite »


« Comment est-ce que je peux encore parler? »
« Je suis un échec total sur le plan humain ».

Le texte s’étire alors comme un long monologue, à peinte entrecoupé par quelques interventions d’un interlocuteur que l’on imagine psy mais qui mesure toute son impuissance à lui venir en aide. Elle exprime tour à tour sa colère, son sentiment de trahison, mais surtout son angoisse congénitale, son chagrin pathologique, cette sensation terrible d’une dissociation permanente de son corps et de son âme. Elle évoque aussi la haine du père ou son aimée perdue

La folie se fait croissante, traduite par l’absence de ponctuation alors qu’elle éparpille des chiffres sur la page, ou décline des listes de mots. Pour signifier sa douleur, Sarah Kane conjugue en effet poésie de la dépression et poésie du fragment, ce qui n’est bien évidemment pas sans bousculer le lecteur/spectateur qui peine parfois à ne pas s’égarer dans les méandres de cette « conscience internée dans une carcasse étrangère et crétinisée par l’esprit malveillant de la majorité morale ».  

Mais si l’on a souvent le sentiment de ne pas comprendre le discours dans le détail, c’est sans doute parce que le détail importe peu justement. Ce qu’il faut entendre se résume au cri, à cet état de crise qu’il s’agit de retranscrire avec le geste ultime, ainsi que Sarah Kane le souligne elle-même en fin de pièce : 
 
 » Rien qu’un mot sur une page et le théâtre est là »

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