Les classiques

« Cent ballades d’Amant et de Dame », Christine de Pizan, 1406


« Cent ballades d’Amant et de Dame », Christine de Pizan, 1406

     Un billet aujourd’hui sur un ouvrage de Christine de Pizan, une auteure qu’on lit trop peu et qui mérite pourtant le détour. Elle le rédige en 1406, presque contre son gré tant elle est occupée à se faire une place véritable dans le monde des lettres en se mêlant d’écrire des traités politiques. Ces Cent ballades sont en effet une commande, ou plus exactement une œuvre imposée qu’elle présente comme une amende, un gage qu’on lui aurait donné dans un jeu courtois pour réparer le crime de lèse-amour qu’elle s’était autorisée dans Le livre du Duc des vrais amants. On lui reprochait d’user du personnage de Dame Sébile pour tenter de dissuader les femmes d’aimer.

    Le défi est alors double pour elle : ne pas se répéter et ne pas se dédire. Elle reprend donc les motifs courtois de la Dame et du chevalier. Éperdument amoureux, ce dernier se heurte au refus de la belle qui veut préserver son honneur et qui rejette toute tentation amoureuse, jusqu’à ce qu’Amour lui-même vienne se jouer de sa fermeté et de sa résistance. Fidèle au schéma de la fin ‘Amor, leur relation se voit ensuite perturbée par les déplacements lointains du chevalier qui doit tout à la fois répondre aux exigences de son seigneur et faire preuve de vaillance pour se montrer digne d’elle. Ils doivent également conjuguer avec les médisants, le mari suspicieux et surtout la jalousie, ce sentiment délétère qui ternit leurs liens et les conduit inexorablement au désamour. 

    L’originalité du recueil réside dans ce qu’il semble préfigurer le roman épistolaire. Construit comme un tout, il rassemble en effet les ballades qu’ils écrivent tour à tour, comme autant de lettres. L’auteure y souligne la dualité du sentiment amoureux, expérience de joie dans la douleur, et propose ainsi une sorte de manuel anti-courtois, dont les principes sont exposés dans le lai conclusif. Cette parole ultime, féminine, prend ainsi le contrepied du Roman de la Rose. Il est à noter par ailleurs la grande maîtrise de la versification et les beaux effets de rythme.

A ceux qui voudraient en savoir davantage sur Christine de Pizan, je conseille le brillant ouvrage de Françoise Autrand, « Christine de Pizan », qui offre une vision très complète et très documentée de l’ensemble de ses œuvres et de sa pensée. 

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s