
Jane Deuxard a enquêté sur le terrain auprès de jeunes iraniens âgés de 20 à 30 ans. A l’origine il s’agissait de recueillir leurs impressions en matière de politique, mais il s’est avéré que leur préoccupation essentielle résidait finalement dans leur vie amoureuse et leur capacité à pouvoir vivre l’amour dans un contexte socio politique et religieux complexe et défavorable.Comment s’aimer malgré les poids respectifs de la tradition et du régime, alors aux mains de Mahmoud Ahmadinejad, réélu en 2009 ? Et en 2013 sous Rohani ? Comment imposer son amour lorsque les familles, encore très traditionnalistes, pratiquent le mariage arrangé, qui passe par le Khastegari : les parents du garçon repèrent une jeune fille intéressante et réclament sa main. Pour une belle-mère iranienne le gendre idéal doit être beau, exercer un boulot prestigieux et bien rémunéré. Il doit également posséder une voiture et un appartement.
Ce travail d’enquête fut bien évidemment clandestin…les journalistes étrangers suscitent en effet bien des méfiances. Accompagnée de son compagnon à la vie comme à la ville et dissimulée sous un voile et un manteau trois quarts, elle part donc à la recherche de cette jeunesse iranienne. Elle croise d’abord Gila et Mila un couple très uni depuis 8 ans mais qui attend d’être marié pour se permettre des rapports sexuels complets. Leurs échanges témoignent de peurs persistantes mais justifiées. Il faut aussi éviter la police, les rondes. Se rendre à une fête, c’est forcément accepter de se mettre en danger. C’est courir le risque de finir au poste et de subir les tests d’alcoolémie et de virginité. C’est aussi risquer de se faire tabasser et violer par les forces de l’ordre. Il faut également échapper à la vigilance des bassidjis, ces hommes de main du Régime, qui évoluent en vêtements civils et qui sont prêts à intervenir dès qu’ils aperçoivent le moindre rassemblement ou qu’ils entendent un air de rock. La loi et les familles veillent à ce que hommes et femmes ne se fréquentent pas dans l’espace public s’ils ne sont pas mariés ou liés par des liens de parenté.
» Au nom de la religion, ils mentent, ils manipulent…ils prétendent que c’est la voix de l’islam. »
Beaucoup de jeunes, comme Saviosh qui aurait rêvé d’être musicien s’il n’avait pas été iranien, ont l’impression que le bonheur est interdit en Iran. La musique est bannie à moins qu’elle ne soit religieuse, les femmes ne peuvent pas déguster un café et les contrôles vestimentaires sont réguliers. Il ne reste qu’à chercher le bonheur en underground. Ainsi, Ash et Nima n’ont pas pu s’embrasser durant un an parce qu’ils n’avaient nulle part où se cacher. Le gouvernement contrôle tout, y compris les nouvelles technologies. On censure également les chaines de TV étrangères
» Avant, on priait à l’intérieur et on buvait à l’extérieur. Depuis la révolution on prie à l’extérieur et on boit à l’intérieur. »
In fine, il résulte de ces nombreux interviews clandestins, que quelques-uns trouvent une justification au mariage arrangé, que certains se résignent, que d’autres composent avec et déploient des stratégies de contournement comme le « signeh » (mariage temporaire) ou la reconstitution d’hymen. Pour quelques-unes, plus rares, ces interdits sont aussi un piment. C’est excitant le danger !
Pourtant, comme le soulignent Lilia et Zeinab, toutes deux d’Ispahan, l’amour ne peut pas être un blasphème.
L’intérêt documentaire de l’album est évident, d’autant qu’il évite dogmatisme et excès de didactisme. Les échanges sont rythmés, les points de vue variés, et le scénario sait ménager la parole des iraniens et les réactions des deux journalistes. Il fait aussi la part belle aux dangers encourus autant par ceux qui posent les questions que par ceux qui y répondent. Le graphisme est plaisant également dans sa déclinaison des plans, des couleurs et des traits. Deloupy maîtrise l’art du mouvement.


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Je le veux !
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ça l’air hyper intéressant, je note.
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Effectivement, je note aussi, ça a l’air passionnant. J’adore les BD documentaires !
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Un album qui doit marquer fortement. Je le note!
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belle découverte!
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Si mes souvenirs sont bons, ce n’est pas la première fois que cette BD s’invite dans nos mercredis. Merci pour le rappel.
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Elle m’avait déjà fait de l’oeil… je trouve le sujet passionnant;
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Je note absolument 🙂 Quand je pense qu’un de mes chanteurs préférés est Kourosh Yaghmaei (chanteur de rock iranien des années 70, évidemment emprisonné pendant des années…) 🙂
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