Littérature étrangère

« Les Impatientes », Djaili Amadou Amal, 2020, éditions Emmanuelle Collas



Première édition Yaoundé 2017 sous le titre « Munyal, les larmes de la patience ».

Prix Goncourt des lycéens 2020


Cette fiction, inspirée de faits réels, se déroule au Cameroun et s’intéresse à la situation des femmes dans une société encore polygame. Ramla et Safira appartiennent toutes deux à des familles peules relativement aisées et traditionnalistes. Elles auraient pu ne jamais ne se rencontrer mais elles finissent pourtant liées, bien malgré elles, par les liens du mariage, puisque Ramla devient la co-épouse de Safira.

Ramla à peine âgée de 17 ans, lycéenne en terminale S, s’imaginait promise à un autre destin, lorsque son père, un homme d’affaires doté de 4 épouses et de 30 enfants, décide les marier, elle et sa sœur Hindou. Personne n’a que faire de leurs désirs. Ni leur rage, ni leurs pleurs, ni leurs cris ne parviennent à infléchir la volonté paternelle qui se contente de décliner inlassablement les valeurs du mariage. Et tandis qu’elles partagent une même angoisse, certaines les envient et souhaiteraient être aussi les reines de la fête. Les femmes, elles, revivent avec émotion leurs propres mariages tandis que le père et les oncles se réjouissent et leur prodiguent les derniers conseils quant à leurs devoirs d’épouses. 

« Soyez pour lui une esclave et il vous sera captif, soyez pour lui la terre et il sera votre ciel… soyez… et ne soyez pas… »

« Le paradis d’une femme se trouve aux pieds de son époux. »

Aucun miracle n’a lieu, rien ne lui épargne l’accueil haineux, à peine dissimulé sous des regards hypocrites, de Safira, sa co-épouse, son amariya. Rien ne lui épargne une nuit de noces sur fond d’alcool, de viagra et de tramadol, ni les violences conjugales qui suivront. 

Le mariage rime davantage avec enfer, tout comme sa nouvelle vie dans cette nouvelle concession où Ramla peine à trouver sa place entre la violence masculine et l’hypocrisie méfiante des femmes. Le temps est lent et monotone, résigné… mais jusqu’à quand ? Il est difficile le chemin de vie des femmes !

Le sort de Safira n’est pas forcément meilleur, même si son statut de daada-saare, de première épouse lui est présenté comme un privilège…

L’une comme l’autre ne sait plus à quels cieux se vouer, lorsque le Munyal, cette injonction à la patience qu’elles doivent cultiver comme une vertu suprême, ne suffit plus.

Si l’ensemble du récit est évidemment assez poignant, le véritable intérêt de ce roman très rythmé réside à mon sens dans la confrontation des points de vue de ces deux femmes, qui auraient pu se rejoindre dans la haine de l’Autre, mais qui entretiennent finalement une rivalité jalouse et délétère. Les analyses psychologiques sont passionnantes et j’ai bien apprécié aussi un certain art du détail qui permet de mieux percevoir le quotidien ainsi partagé dans les concessions. 

2 réflexions au sujet de “« Les Impatientes », Djaili Amadou Amal, 2020, éditions Emmanuelle Collas”

  1. J’ai beaucoup aimé lire ton retour sur ce roman qui m’a beaucoup marquée.
    Sur la dernière partie, j’étais désespérée pour les héroïnes : on leur a appris à se méfier des unes des autres alors qu’elles pourraient se lier, s’allier ! C’est un récit terrible.

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