Littérature française

« Né d’aucune femme », Franck Bouysse, la manufacture de livres, 2019




Après un incipit énigmatique rapportant la fuite d’un gosse de 5 ans qui a enfin ou échapper à la vigilance des adultes et sortir « d’un ventre de pierre » qui l’étouffait, Franck Bouysse renoue avec une tradition chère au XVIII°, celle des histoires trouvées et récits enchâssés. Nous rencontrons en effet Gabriel, un prêtre auquel une inconnue fait une demande étrange  : récupérer des carnets cachés sous la robe d’une défunte dont il doit bénir le corps à l’asile.


La narration prend alors l’allure d’une vaste confession qu’il recopie, mais c’est aussi le récit d’une rencontre improbable avec une certaine Rose qu’il ne découvre qu’à travers ses propres mots, au seuil de sa vie. Dans un tout autre langage que celui du récit cadre, Rose, vendue à 14 ans par son père qui ne pouvait plus subvenir aux besoins de la ferme, s’est un jour « décidée à se jeter dans la grande affaire des mots » pour retracer toute la tragédie et l’horreur de son existence, des viols répétées, de son enfermement et de la violence qui appelle toujours la violence. « Argent maudit ! ». Elle se souvient aussi de cette demeure de malheur et de l’amour d’Edmond. 
Seule l’écriture lui permet, au moins un temps, de survivre à la perversion :
 » La seule chose qui me rattache à la vie c’est de continuer à écrire ou plutôt à écrier, même si je ne crois pas que le mot existe il me convient. »

Le rythme de ce roman aux allures de thriller tient d’autant plus le lecteur en haleine qu’il est difficile de n’être pas touché par le personnage de Rose. Le personnel romanesque est bien campé, l’intrigue bien ficelée et l’atmosphère souvent glaçante. Outre l’histoire de cette femme combattive, j’ai apprécié le traitement des questions sociales en cette fin de XIX° ainsi que l’écriture  puissante et sensible de Bouysse .

2 réflexions au sujet de “« Né d’aucune femme », Franck Bouysse, la manufacture de livres, 2019”

  1. L’un de mes plus gros coups de cœur de ces derniers mois. Quelle claque que ce roman… Tout y est, comme tu les dis, l’atmosphère glauque, des personnages fascinant set une écriture puissante et ciselée…

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