
Photo prise à la Baie des Citrons, le mercredi 10 février 2021
C’est le premier matin libre à Nouméa, je suis réveillée aux aurores et je pars en quête de l’épicerie Bikini histoire de trouver de quoi préparer ce premier petit déjeuner chez nous. La chaleur est encore supportable et je profite du trajet pour flâner un peu devant la plage. Ce panneau attire mon regard bien sûr, sans pour autant m’inquiéter. Je me souviens que le risque zéro n’existe pas et que même aux Antilles, il arrivait quelquefois qu’un requin s’invite dans une passe.
C’est donc sans aucune angoisse que nous nous baignons les premières semaines. Je m’enhardis même rapidement à nager jusqu’au ponton flottant à 200 m du bord. Nous y croisons souvent des gosses qui prennent plaisir à plonger et replonger une bonne partie de l’après midi. La baie ressemble à un lac paisible, à peine perturbé de temps à autres par quelques vaguelettes imputables au passage d’un cargo au large. Sur le sable et dans l’eau, chacun respire la tranquillité.
Le dimanche 28 février, la plage voisine, celle de l’Anse Vata, est cependant sous le coup d’une alerte: un homme vient de décéder suite à une attaque de requin à l’îlot Maitre et plusieurs monstres des mers ( 4 mètres de long) ont été aperçus dans le secteur . La veille, on avait déjà signalé la disparition inquiétante d’un baigneur. La baignade est interdite de longues heures tandis que les équipes de surveillance sillonnent les baies. Nous apprenons les jours suivants que 6 requins tigres ont été capturés puis autopsiés dans la mesure où l’on recherchait également un véliplanchiste et un autre nageur. L’autopsie ne permet cependant pas de retrouver une quelconque trace des disparus Je ne m’affole pas pour autant, persuadée, dans ma grande naïveté, que la Baie des Citrons est protégée par un filet. Je me dirige de nouveau vers le ponton, tandis que l’Homme sifflote un air des Dents de la mer. J’ai presque attend mon objectif lorsque je décide finalement de rebrousser chemin, comme gagnée par une légère angoisse.
Les jours suivants l’alerte se déroule juste sous mes fenêtres…et j’apprends à cette occasion qu’il n’existe aucune protection dans l’immédiat, écologistes obligent. C’est une matinée très ensoleillée, l’eau est d’une incroyable clarté. Le club du 3ème âge suit son cours d’aquagym avec application, d’autres font leurs longueurs quotidiennes et des enfants s’éclaboussent par ci par là. Soudain, des sauveteurs se jettent sur leur jet ski et sillonnent la baie. Ils font des ronds dans l’eau à grande vitesse. Deux autres font évacuer les baigneurs à grands renforts de porte-voix. Le drapeau rouge est hissé tandis qu’un dernier surveillant met en place le panneau alerte requin… Il ne s’est passé que quelques minutes, sans cris ni panique. Mais cela refroidit un peu tout de même.
15 jours plus tard, lors d’une balade-confinement, nous faisons le tour de la baie et nous apercevons un attroupement. C’est un coin où l’on ne se baigne pas, parce qu’il est un peu excentré et parsemé de rochers, mais des promeneurs s’y risquent . Il nous faut du temps pour percevoir ce que tout le monde regarde. Il est presque 18 h et la lumière baisse. Nous distinguons enfin deux ailerons, presque sournois, qui font des va et vient avant que ces deux bestiaux nous offrent une parade assez impressionnante. Et si la taille de la queue augure de la taille du bestiau…
Ces attaques, qui étaient auparavant anecdotiques, tendent à se multiplier par la faute de l’homme qui les a nourris, directement ou non, et qui a ainsi contribué à les sédentariser. Ces espèces sont protégées depuis 2013 et les débats vont manifestement bon train quant aux mesures à prendre.
Je ne me suis pas encore résolue à ne plus me baigner, mais je dois avouer que je me contente de longueurs dans à peine un mètre d’eau. J’essaie de relativiser: d’après une étude américaine, j’ai 1 malchance sur 3700000 d’être tuée par un requin et une sur 90 de périr dans un accident de voiture.