
1erroman écrit en français par Atiq Rahimi et prix Goncourt 2008.
Je suis loin d’adhérer systématiquement aux choix du Goncourt, mais je dois avouer que ce court roman, écrit à la mémoire de N.A, une poétesse Afghane sauvagement assassinée par son mari, m’a bouleversée. Une vraie claque !
Le récit s’ouvre en Afghanistan ou ailleurs…peu importe finalement tant l’horreur et la barbarie sont encore monnaie courante. Il s’ouvre comme on entrebâillerait une porte donnant sur une chambre vide qui laisse entrevoir un rideau masquant une autre porte, à moins qu’il ne s’agisse simplement de l’innommable.
Dans cet espace sordide, où règne une atmosphère de prière qui contraste avec le brouhaha de la guerre, se tient un huis clos aussi étonnant que saisissant. Une femme veille un homme agonisant, une balle dans la nuque, tandis que leur fillette pleure dans une autre pièce. Aux prises avec un terrible sentiment de solitude, elle est harassée d’attendre son réveil depuis seize jours. Elle vit au rythme de ses souffles et des changements de perfusion, et oscille entre espoir et colère, entre un amour étrange et la tentation de la haine. Mariée depuis dix ans à cet homme qu’elle n’a pas choisi et qui s’est surtout illustré par sa violence, elle a pour la première fois le sentiment de partager enfin quelque chose avec lui.
Ses souvenirs et sa parole se libèrent alors, le temps d’un vaste monologue qui lui permet d’accéder pleinement à son être. Dans cette valse des sentiments, elle devient enfin femme, avant d’être musulmane, et évoque son intimité, sa sexualité, sans aucun tabou.
Ce récit de la renaissance se lit comme une ode à la liberté et nous offre le portrait d’une femme courageuse et émouvante. L’écriture d’Atiq Rahimi, d’une grande justesse et d’une force poétique indéniable, embarque le lecteur dans un flot de violence et de tendresse mêlées dont il ne sort pas indemne et prête une voix à toutes ces grandes oubliées, alors « qu’au dehors, on tire, on prie et on se tait ».