En avril, je consacre le classique du mois à la littérature russe que je connais peu. J’avais le souvenir d’un Dostoïevski sombre, plombant même, mais force est d’avouer qu’il m’a fait beaucoup rire avec cette longue nouvelle consacrée à la passion jalouse, celle qui nous ronge tout autant qu’elle nous aveugle et nous pousse à des comportements extrêmes.
La part de récit est très courte et encadrée de deux longues conversations nocturnes particulièrement jubilatoires. Il n’est guère confortable en effet d’échanger des politesses lorsque l’on finit sous un lit par erreur. On perçoit dans cette écriture romanesque une nette influence du théâtre et plus particulièrement du vaudeville que Dostoïevski maîtrise à merveille.
Le récit, qui se déroule sur deux nuits, s’ouvre dans une rue de St Pétersbourg. Un homme vêtu d’une pelisse de raton arpente le quartier, en proie à un profond désarroi qui l’empêche d’articuler et d’exprimer un propos clair. Non loin de là, un jeune homme engoncé dans une veste fourrée, fait les cent pas devant une porte cochère, en contenant mal une certaine impatience.
Ivan Andreievitch, le plus âgé des deux, surmonte cependant son terrible sentiment d’humiliation pour lui adresser une supplique qui sied mal à son statut social. S’il peine à avouer qu’il craint le cocuage et qu’il guette son épouse, il souhaiterait tout de même savoir si ce jeune homme n’a pas vu une dame en manteau de renard, en cloche de velours sombre avec une voilette noire. Le jeune homme ne confesse pas plus facilement les raisons de sa présence. Chacun aurait pu passer son chemin, s’il n’avait pas eu l’intuition que l’autre en savait plus qu’il ne voulait bien le reconnaître. S’ensuit une longue conversation difficile, drolatique, un brin absurde entre ces deux êtres qui ne sont pas au bout de leurs surprises…La belle Glafira semble en effet très convoitée et protégée par les dieux de l’adultère !