BD

« Les esclaves de l’île de Pâques », Didier Quella-Guyot et Manu Cassier,  La boîte à bulles, 2018


C’est au hasard du petit salon de la BD de Saint Denis en Val que j’ai eu le plaisir d’échanger un long moment avec Didier Quella-Guyot qui m’avait ravie avec son « Facteur pour femmes » et sa superbe adaptation de la nouvelle de Maupassant « Boitelle et le Café des Colonies ». Il était accompagné du dessinateur Manu Cassier, tout aussi agréable et ouvert à la discussion.

C’est donc avec plaisir que j’évoque aujourd’hui leur album consacré à la mythique Rapa Nui, plus connue sous le nom de l’Ile de Pâques, que l’aspirant Julien Viaud, alias Pierre Loti, immortalisa dans ses dessins lors de son séjour en 1872.

De cette terre perdue au milieu du Pacifique, nous connaissons essentiellement les Moai, ces fameuses statues de géants qui tournent le dos à la mer, comme autant de figures tutélaires qui auraient voulu protéger l’île des prédateurs…Hélas, rien ne fut épargné aux Pascuans et c’est précisément l’objet de cet album dont le scénario, bien documenté, prend des allures de thriller colonial.

Le récit nous plonge au cœur du XIX° qui fit de Rapa Nui l’île des larmes et des drames et qui porta un coup fatal à cette civilisation aujourd’hui disparue.Les Pascuans doivent alors lutter contre les razzias péruviennes, la déportation d’autochtones captivés par des bibelots puis capturés. C’est à ce prix qu’on récolte le guano, engrais le plus utilisé du monde à l’époque, ou qu’on chasse les baleines. Ils partagent ainsi le destin de nombreux insulaires, également menacés par l’Eglise catholique et son désir d’évangéliser à tout prix. Didier Quella-Guyot nous conte ainsi les « bonnes œuvres » du père Eugène Eyraud, associé dans un second temps par le père Hippolyte Roussel, nettement plus autoritaire.

 » Entre n’être rien où il y a tout et être quelque chose où il n’y a rien je n’hésite pas une seconde ! »

La tâche n’est pas aisée, et si Eugène apparait d’abord comme le « papa », l’étranger et fait figure d’attraction, il peine à trouver sa place dans cette organisation clanique qui connait son lot de luttes tribales.

 » Pourquoi nos histoires seraient des légendes et pas les vôtres ? »

Mais le véritable danger reste à venir. Il se construit à Montmorillon, dans le Poitou où Onésime Dutrou-Bornier, aventurier et fils de bonne famille, ne se satisfait plus d’une existence « au petit cours ». Son besoin d’action et de grands espaces l’emportent sur sa vie de famille et le pousse à retrouver la mer, le monde des négriers, les bateaux de commerce…Il ignore alors qu’il finira par se prétendre Idane 1er, roi de Rapa Nui…

Le scénario, qui multiplie actions et rebondissements, comporte évidemment une dimension documentaire, sans sombrer pour autant dans le didactisme. Vous pourrez ainsi tout savoir sur l’homme-oiseau. Au-delà de l’Histoire, le récit narre également l’amitié du Pana, rescapé des rafles péruviennes, avec Eugène Eyraud.


Le dessin de Manu Cassier, aussi dynamique que précis, opte pour des ocres qui rappellent la terre et ses enjeux et des couleurs assez sombres, propres à souligner la difficile agonie de ce peuple et de sa culture.

Lecture effectuée dans le cadre du RV BD du mercredi, hébergée cette semaine chez Noukette 

 

21 réflexions au sujet de “« Les esclaves de l’île de Pâques », Didier Quella-Guyot et Manu Cassier,  La boîte à bulles, 2018”

  1. Le sujet m’intéresse, et j’avais beaucoup aimé les albums précédent du scénariste, mais il y a quelque chose dans le dessin qui me freine…

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  2. C’est toujours un vrai régal ces « petits » salons dans lesquels les auteurs sont disponibles et peuvent se permettre de prendre le temps d’échanger avec leurs lecteurs.

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