Cela faisait un bon moment que j’avais envie de découvrir ce premier long métrage de Grand Corps Malade dont j’apprécie à leur juste valeur bien des textes.
S’inspirant de sa propre histoire, il nous plonge dans l’univers hospitalier puis celui des centres de rééducation. Il nous propose ainsi un film sans pathos qui sent terriblement le vécu et nous offre une sacrée leçon de vie et de courage.
Dès les premiers plans, et cette vision floue du plafond et de quelques visages, cette perception de sons parcellaire, le spectateur est invité à une immersion sans concession dans l’univers d’un tétraplégique incomplet. Le jeune Benjamin, étudiants et staps et sportif dans l’âme, vient de briser ses rêves au fond d’une piscine suite à un plongeon mal évalué. S’ensuivent de longues épreuves et de très longs mois de rééducation.
Si le film s’intéresse bien évidemment à ce corps en souffrance, totalement privé d’intimité et entièrement soumis aux autres, il évoque avec brio les douleurs de l’âme. Il faut apprendre à supporter cette vie » empêchée » et avoir le courage de lutter contre l’abattement même lorsque l’immobilisme condamne le malade aux émissions les plus débiles parce qu’il n’est même plus capable de manipuler la télécommande. Il faut trouver la force de se reconstruire une existence, de rire encore, d’aimer, sans pour autant se priver du droit de crier sa rage de temps à autres.
Le scénario retrace donc la vie quotidienne dans l’un de ces centres aux allures de » cour des miracles « , sorte de microcosme ou ces » éclopés de la vie « , au sens propre du terme, s’efforcent de se reconstruire et de s’organiser une vie sociale qui leur permettra de traverser au mieux ces longs mois de patience. La caméra porte également un regard intéressant sur le personnel soignant confronté tout comme les malades à toutes une palette d’émotions, entre le rire, le découragement et la tristesse. L’autodérision est souvent une arme efficace pour éviter de sombrer.
Le jeu des acteurs contribue à l’efficacité et à l’authenticité du récit. Loin d’avoir tourné avec des têtes d’affiche, les deux réalisateurs s’appuient sur de jeunes acteurs qui rivalisent de vérité dans l’expression des émotions. Pablo Pauly et Soufiane Guerrab, notamment, n’en font jamais trop, ils excellent même dans une grande sobriété et cueillent le spectateur par leur humanité.