Littérature étrangère

« Joie » , Clara Magnani, Wespieser, 2017, un coup de coeur !


« Joie », Clara Magnani, Wespieser, 2017

Je n’ai jusque là jamais été déçue par les éditions Wespieser qui ont l’art de sélectionner leurs auteurs. Après Amours de Léonor de Recondo, c’est au tour de la jeune auteur Belge, Clara Magnani, de me séduire avec ce premier roman mené d’une main de maître.

Le livre s’ouvre sur ce bel épigraphe de Miguel de Unamuno « Car ce que tu veux, c’est cette vie-ci, et celle-là, et une autre – tu les veux toutes.
Et tu as bien raison. »
, une affirmation qui résume assez mon approche de l’existence.

Le récit s’ouvre sur une disparition. Le père d’Elvira meurt brutalement à Rome d’une crise cardiaque, un matin ensoleillé de septembre 2014. Il meurt dans sa lecture. Une révérence comme il en rêvait, dans son kimono préféré, le prune orné de trois fleurs jaunes.
Elles sont cependant plusieurs à pleurer la mort de Giangiacomo, alias Gigi, âgé de 70 ans, qui s’est illustré au cinéma, comme réalisateur. La fille regrette le père, tout comme sa mère Irma, l’épouse de l’ombre, quelquefois ombrageuse.

Mais, alors qu’elle met de l’ordre dans le bureau de son père, Elvira tombe sur un manuscrit dissimulé sous une pile de relevés de banque. Il y est fait mention d’une certaine Clara, qui lui apparaît vite comme un être réel et non comme un personnage de papier. Son intuition la porte même à croire que cette femme fut importante….
Ce manuscrit est en fait la première partie d’un livre que Giangiacomo et cette mystérieuse Clara avaient décidé d’écrire ensemble pour se prouver leur amour. Forte de cette lecture inattendue, Elvira s’interroge alors sur le peu qu’elle sait de l’amour, avant d’adresser le texte à Clara.

Le roman s’organise alors en deux temps sur le mode du récit choral. C’est d’abord Gigi qui raconte leur rencontre, son coup de foudre immédiat, cette difficile conquête, leurs amours clandestines dans des hôtels refuges, ou la maison de Sardaigne.

« Il n’y a pas d’âge pour être en manque. »

Le texte se présente comme un legs amoureux pour Clara, le cœur palpitant de son existence, l’ultime femme qu’il a aimée comme si rien jamais ne devait les séparer.

« Nous nous sommes absorbés dans le déchiffrage du corps de l’autre. Avec une telle passion que nous pouvions rester au lit des heures entières. Sans s’ennuyer. »

Vient ensuite le point de vue de Clara, nettement plus jeune que lui, mais embarquée tout autant dans cette passion d’un genre nouveau.

« Cet amour qu’il n’attendait plus, il m’a dit un jour qu’il le goûtait intensément. Comme on profite d’un enfant qui arrive sur le tard. L’émerveillement est le même que pour le premier-né. Parce qu’on sait que ce sera le dernier. »

Mariés chacun de leur côté, et bien décidés à le rester, ils savourent ce qu’ils nomment « le mature love », cultivant simplement l’art du désir, le «  pure bliss », dans le respect de l’autre et des autres. Ceci n’empêche pas une grande complicité intellectuelle. Ils font simplement le pari du bonheur, en toute liberté (d’esprit). On en rêverait !

« Cœurs et corps, je faisais confiance aux deux. »

C’est une belle approche du sentiment amoureux que nous offre Clara Magnani dans une langue juste et ciselée. J’ai beaucoup aimé cette rencontre paradoxale de la sagesse et de la passion, deux attitudes qui se fondent ici dans le désir et le plaisir, sans que jamais les sentiments ne s’émoussent.

« Les histoires d’amour, on en parle au début et à la fin. Mais on ne raconte jamais le milieu. C’est pourtant très beau, cette poésie du milieu. Ce sentiment de plein. Tout est là. Tout va bien. »

« Ne rien attendre, ne rien espérer. Etre dans le présent et le savourer. Le goûter d’autant mieux qu’on le sait éphémère. Accepter que ça se termine. Un jour. »

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