« Mise en pièces » Nina Leger, Gallimard, 2017
Si vous êtes de celles qui aspirent à profiter de ce long week-end pour lire un bon feel good book, une belle histoire d’amour susceptible de faire battre votre petit cœur de midinette ou non, ne vous fiez surtout pas au bandeau de l’éditeur ! Foin de romance sous la plume de Nina Léger, rien de léger non plus d’ailleurs (pardonnez-moi ce mauvais jeu de mots …)
Le roman s’ouvre sur un incipit pour le moins original, une fellation froide, presque clinique.
« Elle le fait glisser dans sa bouche.
Elle le laisse s’alourdir, prendre chaleur, ampleur et forme, pousser contre son palais, peser sur sa langue.
Lèvres immobiles, infimes contractions intérieures : elle a ôté au geste sa frénésie.
Elle pense aux fleurs de papier qui se déploient lorsque posées sur l’eau.
Elle s’écarte et considère le sexe bandé. »
Considérant la double mission de l’incipit, entre information et séduction, on a alors le choix de refermer le livre ou de s’étonner de cette ouverture audacieuse et peut-être délicieusement provocatrice. Peut-être s’agit-il d’une romance sexuellement épanouissante !!!
J’ai ainsi suivi Jeanne, dont on ne saura finalement rien, au hasard des rues qu’elle arpente, des rames de métro qu’elle emprunte, à la recherche de nouveaux sexes qu’elle pourra ajouter à son palais imaginaire. Le schéma est toujours le même, elle choisit sa proie, simule un malaise et finit dans un hôtel parisien. Ces rencontres qui n’en sont pas, elle les accumule, « mais elle ne cherche rien ». Aseptisée, elle ne croit pas en l’amour. « Jeanne se passe des intrigues qui polissent les faits ». Son goût pour les sexes anonymes la porte à fuir toute conversation, toute marque de tendresse, tout échange véritable. Même un prénom serait superflu. Pas question non plus de partager le moindre café, juste de la « débauche en chambre standard ». Et lorsque que l’homme se risque à ménager une certaine délicatesse, elle s’efface, « experte en disparitions radicales ».
Les fellations se succèdent donc au fil des pages, ses passages dans les sex-shops aussi, histoire d’alimenter cette étrange collection.
« Elle construit un palais de mémoire qui, à mesure qu’il se peuple de sexes nouveaux, se complique de couloirs, d’annexes et de dépendances. Les portes y sont toujours plus nombreuses.»
Le récit, soutenu par une écriture très visuelle, kaléidoscopique, s’organise en chapitres étrangement découpés, dont certains commencent par une minuscule. Nina Léger, dans ce second roman, bouleverse les codes du genre, se refusant notamment à éclairer le lecteur sur les motivations de son personnage. Elle se plait aussi, manifestement, à se jouer des codes moraux en s’attaquant à un sujet encore tabou, surtout dans la collection blanche de Gallimard. Consacrer plus de 150 pages à la fellation constitue déjà un pari osé, mais faire d’une femme une sorte de prédatrice réduisant le sexe des hommes à l’état d’objet l’est davantage encore.
Le roman est surprenant évidemment, mais lassant aussi, sans doute parce qu’on peine à comprendre où tout cela nous mène.
pas du tout pour moi!!
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