« Histoire de Maurice », T1, Shenaz Patel, Jocelyn Chanlow, Laval Ng et Christophe Carmona
Alors que l’histoire ne fait pas partie des programmes d’enseignement mauriciens, il est apparu comme une nécessité aux auteurs de cette série, de restituer le passé de l’Ile Maurice et de rendre hommage à cette belle Nation. Cet opus inaugural s’intéresse aux premiers pas de la colonisation et retrace l’histoire de l’île de 1598 à 1767.
L’album s’ouvre sur une discussion entre deux adolescents qui fréquentent la Carnegie Library. La lecture de « La machine à explorer le temps » les invite à s’interroger sur la période qu’ils aimeraient visiter.
Tablette numérique en main, voilà nos deux amis en grande conversation avec Simon Van Der Stel, le premier citoyen né à Maurice alors que son père était le gouverneur pour le compte de la Compagnie Néerlandaise des Indes Orientales. Ce qui distingue cet homme, outre le fait qu’il faut le premier à voir le jour sur l’île, c’est son métissage, puisque sa mère était la fille d’une esclave indienne affranchie.
Il donne en quelque sorte le ton de cette histoire, de cette Maurice terre de métissage dès le XVII°, « lieu-carrefour » « au croisement des mers, des civilisations, des cultures, des rêves d’ailleurs, des désirs de conquête, des projets de création des hommes. »
Le scénario, fort documenté mais jamais trop didactique, nous narre alors le destin de Dina Arobi, ce rocher appelé à devenir Maurice, à l’heure où les grands pays d’Europe luttent pour se partager le monde et organisent l’un des plus grands génocides humains de l’histoire, à savoir l’esclavage. Ils découvrent la luxuriance d’une végétation généreuse, les tortues géantes et bien entendu le dodo, alors baptisé « walgvogel », soit oiseau dégoutant. Mais il leur faut aussi affronter les récifs, éviter les naufrages et résister aux cyclones qui compliquent leur installation.
Outre son approche intelligente et humaniste de la question du peuplement de l’île, le récit offre au lecteur une galerie de portraits intéressants, quelquefois édifiants. Il pose, sans manichéisme ni ressentiment, le problème de l’esclavage et l’implication de l’Eglise.
« Comment être curé des Blancs et missionnaire des Noirs ? »
J’ai également apprécié le graphisme généreux et le sens du détail des deux dessinateurs, Laval Ng pour les planches 1 à 8 et Christophe Carmona pour les suivantes. Je suis bien incapable d’ailleurs des les distinguer tant ces deux-là ont su parfaitement collaborer.