J’aime de temps à autre pénétrer dans une librairie à l’aventure, me perdre dans les rayons et me laisser aller à des lectures parfaitement « impréméditées », simplement à cause d’un titre poétique ou d’une couverture. C’est toujours une petite prise de risque, celui de sortir de son univers, ou de sa zone de confort, mais c’est aussi faire le pari qu’on est capable d’élargir ses horizons. C’est de cette façon que j’ai découvert « Redrum », de Jean-Pierre Ohl, publié chez l’Arbre Vengeur en 2012, un récit d’anticipation qui nous plonge dans un huis-clos aussi étrange qu’étouffant.
C’est parce qu’il est invité en sa qualité d’universitaire spécialiste de l’œuvre de Kubrick, que Stephen Gray se rend à Scarba, une terre perdue au milieu d’un chapelet aux noms gaéliques. IL aperçoit d’abord « cet ancien hameau de pêcheurs, ces ruines d’îles coincées entre un ciel de plomb et une mer d’encre noire », avant d’aviser les installations plus modernes érigées par l’actuel propriétaire de l’île, un certain Némos Onésimos. S’il s’agit de participer à un colloque sur le cinéaste, ce voyage prend aussi des allures de pèlerinage, puisque ce lieu, peuplé de fantômes et de souvenirs âpres se trouve lié à la préhistoire familiale.
Si Scarba lui semble d’emblée assez sinistre, il peut encore s’estimer heureux de se trouver dans ce qui ressemble encore à un coin de paix. Ailleurs, en ce vendredi 3 septembre, le monde entier, déjà ébranlé par les catastrophes climatiques et la faillite japonaise tremble devant le général Trinh, « un épouvantail en treillis et chemise cubaine », et la menace d’une guerre nucléaire tandis que l’actrice Louna Davenport est dans un état critique.
Les autres invités arrivent au compte goutte, le temps semble suspendu et les relations quelquefois tendues dans ce complexe où les hommes côtoient des androïdes sans forcément le savoir, et où les convives peuvent tester les pouvoirs de la Sauvegarde, une invention de Némos qui permet de stocker la personnalité des morts pour les ressusciter à la demande.
Il n’en faut sans doute guère plus pour s’interroger sur les véritables motivations de ce colloque et de demander ce qu’on fait dans cette galère, surtout quand le maître des lieux s’avère également tenté par les mystères de la kabbale.
Je dois avouer que le scénario m’a quelquefois égarée, mais je me suis régalée avec les dialogues qui flirtent avec les combats de coqs. Les qualités d’écriture de Ohl son certaines et appréciables, son incroyable culture aussi, même si elle semble parfois trop ostentatoire.
Je me reconnais totalement dans tes premières lignes !
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