Un billet ce jour sur un film particulièrement atypique signé par Paolo Sorrentino.
Contrairement à ce que le titre pourrait laisser présager, le scénario se concentre sur Fred et Mick, deux octogénaires amis de longue date. Compositeur et chef d’orchestre à la retraite , Fred refuse de jouer la moindre note de musique depuis son veuvage. Cette part de lui même appartenait en quelque sorte à son épouse. Même la pression de l’émissaire de la Reine Elisabeth ne parvient pas à la convaincre. Au contraire, Mick, réalisateur n’en finit pas de tourner, comme s’il voyait là l’unique moyen de rester en vie. Il cherche alors à mettre un terme au « Dernier jour de sa vie », sans soupçonner la dimension prédictive de son titre.
Comme chaque année nos deux compères séjournent dans un lieu bien étrange, entre hôtel et centre de cure quelque part en Suisse.Cette curieuse villégiature rassemble des individus fort contrastés : jeunes, vieux, splendides jeunes femmes diaphanes et callipyges, mais aussi bonze en mal de lévitation. Tous gesticulent plus ou moins dans une ambiance onirique qui peut d’autant plus perdre le spectateur que les contours du scénario semblent se diluer dans cette poésie perturbante, presque exubérante.
Ces différentes existences, qui se croisent et se décroisent sur fond de musique classique, semblent comme en suspension. Pour certains, il s’agit d’un temps de ressourcement, pour d’autres cela tient davantage d’un temps compté, d’une négociation avec la mort, d’un sursis.
« On est tous que des figurants. »
Paolo Sorrentino conjugue alors une grande poésie à des touches d’humour. On passe ainsi de l’orchestration des cloches des vaches à l’obsession d’uriner que partagent les deux amis en l’espace d’une seconde.
« Les émotions, c’est tout ce qui nous reste. »
Chacun s’observe, chacun nourrit ses remords, ses regrets, ses désirs et ses fantasmes. A travers leurs regards et leurs échanges, le réalisateur se livre à une autopsie des relations entre les êtres et interroge les questions du temps, le passage de la jeunesse à la vieillesse, de la vie à la mort.
Pour ce faire, il accorde une large place au corps dans tous ses états et n’hésite pas à jouer de cette nudité que l’on cache souvent passé un certain âge.
Certains critiques ont « démonté «le film, sauvé selon eux par la prestation de ce duo d’acteurs incomparable que constitue Harvey Keitel et Michael Caine. Il est clair que leur jeu brillant et touchant apporte beaucoup à ce scénario un peu flou. Toutefois, ce long métrage présente bien d’autres attraits dès l’instant qu’on accepte de ne pas forcément chercher une logique à tout cela. Il faut se laisser bercer par la photographie sublime de Luca Bigazzi, les jeux d’ombres et de lumière, la bizarrerie des décors de Ludovica Ferrario, se laisser emporter par l’onirisme, la poétique des corps. C’est à travers cette étrangeté et ces images déconcertantes qui nous infusent que le sens émerge progressivement.
J’ai beaucoup aimé ce film, le cinéma de Sorrentino demande de se laisser conduire sans opposer de résistance. J’aime follement sa poésie.
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C’est exactement cela ! J’ai commencé à apprécier le film à sa juste valeur, une fois tout besoin de rationalité écarté.
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