Traduit de l’anglais (Cameroun) par Sarah Tardy
En cette rentrée littéraire il semble bien que la thématique de l’exil et de l’immigration soit à l’honneur, nous invitant à méditer sur ce qui peut pousser un individu à s’arracher à sa terre natale et sur ce difficile combat que peut être l’intégration.
Originaire du Cameroun, Imbolo Mbue, a quitté son pays pour étudier aux Etats-Unis et a sans doute éprouvé certaines de ces difficultés, partagée entre le bonheur de découvrir une autre culture, un pays occidental et le sentiment de cette rupture moins ou moins profonde avec ses propres racines.
Elle aborde ces questions à travers les péripéties de la famille Jonga partie de Limbé l’esprit plein de ce rêve américain. A coup sûr, ils seraient heureux, ils assureraient une belle éducation à leurs enfants, ils achèteraient une jolie maison …
Obama, qui cristallise forcément bien des espoirs dans une société marquée par la ségrégation, n’est alors qu’un sénateur dont l’élection à la tête de l’Etat semble fort incertaine. Les USA sont-ils prêts à voter pour un Noir ? Jende, installé à Harlem, a pu faire venir son épouse Néni, et leur fils. Il s’apprête à travailler comme chauffeur pour Clark Edwards, un grand ponte de chez Lehman Brothers, ce qui lui promet un bon salaire. Néni cumule job et études, savoure de pouvoir vivre enfin, loin de l’emprise du père. Elle goûte l’espoir de pouvoir enfin devenir quelqu’un. Sa reconnaissance pour les Etats Unis ne connaît guère de limites et New York n’est pas loin de lui apparaître comme l’Eldorado. Leurs amis les entourent et compensent en grande partie la famille, qui se rappelle tout de même à eux lorsqu’elle manque d’argent. A l’étranger, on est forcément plus riche.
L’avenir s’éclaircit donc pour les Jonga, même si Jende ne partage pas le même optimisme que sa jeune épouse. Les projets fusent et en attendant on travaille dur et on économise.
La narration, tantôt focalisée sur Jende puis sur Néni souligne cependant leurs différences de perception, de point de vue. Malgré eux, l’air de rien, l’écart se creuse dans leurs désirs et leurs aspirations tandis que la crise bancaire et économique s’invite, que l’institution Lehman s’effondre et que les services de l’immigration n’entendent rien ni à leur cause ni à leur situation.
Imbolo Mbue tisse le récit de leur quotidien et de leurs pensées aux souvenirs camerounais et aux conversations avec les différents membres de la famille Edwards. Une certaine proximité se crée entre employeurs et employés qui pourrait donner l’impression d’un certain humanisme. Pourtant, ce que l’auteure interroge avec beaucoup de subtilité c’est la véritable nature de ces liens, les fondements de cette générosité apparente. Que valent vraiment le pauvre ou l’étranger, que vaut celui-ci qui a la malchance de cumuler les deux ? Que signifient ces gestes, ces dons si derrière le matériel, il n’y a jamais don de soi, investissement réel dans une relation ? Se dédouane-t-on de tout à coup de quelques dollars, de vêtements qu’on ne mettra plus ? Quel est la place de l’humain dans tout cela ?
Au-delà, à travers ce couple mais aussi à travers Vince, jeune américain pure souche en mal de Vérité et d’authenticité, elle nous conduit à réfléchir sur ce fameux American dream, sur ses fondements, ses liens plus qu’étroits avec une vision foncièrement capitaliste de l’existence. Aux côtés de Jende, le lecteur finit lui même par s’interroger sur son rapport à l’autre et sur ses aspirations. Qu’attendons-nous aussi de l’existence ? Le matériel est il essentiel à notre bonheur dans une société qui semble plus instable et parfois plus inhumaine que jamais ?
Si la lecture de ce roman coule toute seule, les réflexions auxquelles elle nous confronte sont lourdes de sens sans que ce ne soit jamais pesant. C’est ce que j’ai particulièrement apprécié dans ce récit, ce décalage entre une écriture fraîche, sensible, centrée sur l’humain et la profondeur du propos.
J’avais lu des avis assez enthousiastes sur ce roman, je serais curieuse de le lire à mon tout 🙂
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J’ai vraiment beaucoup aimé !
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J’ai aussi bien apprécié malgré quelques défauts …
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lesquels Hélène ?
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