En quête de nouveaux textes à étudier avec mes classes, j’ai décidé d’une petite immersion dans le théâtre contemporain. La poésie du titre de Koltès me faisait de l’œil, mais j’ai éprouvé quelques moments de solitude durant la lecture, m’interrogeant sans cesse sur ses intentions.
Après une ouverture originale qui fait fi de la distribution et nous propose une longue définition du terme deal, le rideau s’ouvre sur un décor minimaliste, une sorte de no man’s land à « l’heure qui est celle des rapports sauvages entre les hommes et les animaux ».
Un dealer guette à travers les rues le désir de l’autre. Le dramaturge prête alors vie à une dialectique nouvelle, celle du dealer et de son client, « tous deux possédant le désir et l’objet du désir ».
Le souci c’est que ce client affirme ne pas en être un. Leur discussion ne serait finalement qu’un malentendu, le dealer se serait mépris sur son visage. Chacun rebondit sur un ou deux mots de l’autre et entre dans une sorte de délire verbal :
« nous savons tous deux qui est la botte et qui est le papier gras. »
Chacune des répliques est un morceau de bravoure, pour l’auteur certes, mais aussi pour les acteurs qui doivent aussi passer par les émotions les plus contrastées.
Le style de l’écriture et le rythme particuliers jouent donc sur les nombreuses répétitions et sur cette succession de longues répliques qui confinent parfois au dialogue de sourds comme si chacun restait inlassablement prisonnier de sa seule logique, comme si le contact avec l’autre était impossible. Il s’agit pour le dramaturge de questionner la notion de désir mais aussi d’explorer l’insularité des êtres qui peinent à s’entendre et se comprendre. Il s’appuie sur un fréquent décalage entre le ton et les circonstances ainsi que sur une poésie étrange.
Au fil des répliques, l’individu se trouve finalement confronté à une forme de désespérance humaine, comme s’il ne lui restait que la comédie pour combler la vacuité de l’existence.
« Mais les sentiments ne peuvent s’échanger que contre leurs semblables ; c’est un faux-commerce avec de la fausse monnaie, un commerce de pauvre qui singe le commerce. »
Depuis le temps que je me promets de le lire… Je n’y connais rien en théâtre contemporain, sauf peut être Lagarce… Vinaver me tente peut être davantage….Il faudrait pourtant que comme toi je saute le pas!
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Il faut de mon côté que je lance dans Vinaver!
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Je l’ai lu l’an dernier et j’avoue ma consternation. Quel mérite tu as de nous livrer cette analyse ! Je n’oserais jamais faire étudier cette pièce de crainte de dégoûter les élèves du théâtre . Même pas en cursive. Je préfère Gaudé dramaturge, Lagarce par exemple.
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Je dois avouer que je ne me lancerai pas non plus dans son étude avec des élèves. J’ai savouré davantage la seconde moitié du texte, mais c’est ardu pour des lycéens.
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Je le trouve pourtant fréquemment sur les liste de l’EAF mais je suis très indulgente ne comprenant pas moi-même l’intérêt . Merci, sans plaisanter, pour ton billet qui m’offre quelques clefs d’entrée . 🙂 Bises
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Jamais lu cet auteur ! Une lacune à réparer !
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Tu peux commencer par « Roberto Zuccho »
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J’ai vu cette pièce au lycée et on l’avait étudié (j’étais en option théâtre). On avait pu discuter mise en scène et fond de la pièce avec Chéreau lui-même et j’en garde un souvenir vraiment mémorable, surtout qu’il a connu Koltès si je me souviens bien.
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Quelle chance! J’ai eu un peu de mal à rentrer dans le texte au départ, mais une fois l’élan pris, c’est beau!
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j’avais adoré et j’avais joué quelques extraits dans je ne sais plus quel atelier théâtre à la fac. Un beau souvenir!
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