Coup de projecteur sur les Editions
Après avoir savouré chaque page du roman de Pierre Lemaitre, « Au revoir là haut », Prix Goncourt 2013, il relevait de l’évidence de découvrir son adaptation BD publiée en 2015 aux Editions Rue de Sèvres. L’impatience se mêlait toutefois à la peur d’être déçue. Résumer quelques 587 pages d’un roman extrêmement dense à 168 planches pouvait sembler une gageure, surtout lorsque l’on opte pour un scénario peu bavard qui laisse au dessin la plus grande amplitude. Loin d’être une déception, cette découverte m’a totalement ravie et je ne saurais trop vous conseiller de vous jeter sur cette pépite.
Mais avant d’en parler davantage je saluerai la préface de Philippe Torreton. Je ne partage pas toujours ses points de vue, encore moins ses coups de gueule, mais je dois dire que sa perception des deux œuvres est incroyablement juste. Il sait trouver les mots pour rendre hommage au travail des deux artistes.
Comme le roman, l’album s’ouvre en 1918 sur les tranchées et cette guerre qui tire à sa fin, au désespoir du lieutenant d’Aulnay-Pradelle qui déplore de n’avoir pas encore trouvé l’occasion de se distinguer. A l’aune de l’espoir des troupes encore en vie, le soleil et les couleurs du dessin se réchauffent et les esprits s’échauffent face à la froide détermination de Pradelle, cet arriviste prêt à tout, même à sacrifier les existences d’Albert Maillard et Edouard Péricourt. Ces deux là, qui n’avaient apriori pas grand chose à partager, scellent ainsi leurs destins en même temps qu’une forte amitié. Edouard sauve la vie d’Albert au prix de son intégrité physique. Albert veille ensuite sur la « gueule cassée » devenue morphinomane. Sur fond d’une France qui peine à se reconstruire et qui aspire à rendre hommage à ses morts, les deux compères s’efforcent de survivre, tandis que Pradelle aspire à s’enrichir. Le retour à la vie civile après quatre longues années de souffrances s’avère plus complexe que prévu et l’honnêteté n’est pas toujours au rendez-vous. Le scénario, fort bien ficelé, emprunte ainsi au « thriller », un genre qui va particulièrement bien à Lemaître, mais c’est aussi l’histoire d’une belle amitié, indéfectible; une interrogation sur les blessures de la guerre et l’humaine nature.
Ce qui frappe dès les premières planches, ce sont les nombreux jeux sur les tailles de caractères, de cases, les angles, l’échelle des plans qui confèrent à la narration un dynamisme très efficace. Le trait, précis, esthétique, associé au sens du mouvement achève de nous séduire et nous embarque dans l’univers assez poétique de Christian De Metter. La distribution des cases et les effets de contrastes obtenus par les variations de taille et de forme soulignent l’intensité dramatique qui domine l’album. Certaines trouvailles, notamment la représentation des masques imaginés par Edouard, ou de ses dessins et autres créations, permettent une superbe mise en abyme et apportent une richesse supplémentaire au roman. Les personnages gagnent aussi en humanité. Chaque planche dégage son lot d’émotions.
Ce coup de projecteur est initié par Stéphie du blog Mille et une frasques, n’héstez pas à vous rendre sur son blog pour découvrir d’autres titres
J’ai été déçue par rapport au roman !
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C’est difficilement comparable en fait vu la densité du roman et la richesse de l’écriture de Lemaître.
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