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« Les mauvaises gens », Etienne Davodeau, Delcourt, 2011


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J’ai poursuivi cette semaine ma découverte de l’univers de Davodeau avec « Les mauvaises gens », un album qui mêle biographie et autobiographie. Le propos est de retracer le parcours de toute une génération d’hommes et de femmes qui ont su s’impliquer, s’insurger, lutter, défendre des convictions.
A travers le cheminement de Maurice et Marie-Jo, deux enfants des Mauges, « un pays assez fermé, religieux et farouche » du sud du Maine et Loire, l’auteur traverse plus de cinquante ans d’histoire du syndicalisme. Des conditions économiques précaires ont contraint Maurice à quitter l’école et à opter pour l’apprentissage. Non loin de là, Marie-Jo découvre bien jeune aussi le monde ouvrier. La France panse ses plaies et chacun participe à l’effort de reconstruction. Marie-Jo peint des talons de chaussures et manie la colle à longueur de journée, absente à elle-même. Maurice découvre la mécanique. Cette vie là, il faut parvenir à l’oublier, à la transcender, à la modifier. On fréquente alors l’équipe de basket ou la JOC (jeunesse ouvrière chrétienne) naissante et forte de l’idée que « l’Eglise doit être indigène en classe ouvrière ». De la foi à l’art de cultiver ses convictions il n’y a qu’un pas, qu’ils accompliront. Ainsi se forme le couple des parents Davodeau, qui furent d’abord bien réticents lorsque leur fils envisagea, 40 ans plus tard, de « raconter en BD cet alliage de foi et de politique qui constitue leur histoire militante ».
Ils évoquent pourtant tour à tour leurs souvenirs ; parfois leurs voix se superposent, ou le cèdent un instant à d’autres camarades dont un prêtre ouvrier.
Le choix du noir et blanc confère une certaine gravité à ce récit qui prend des allures d’album photo ou de boîte à reliques. On sent combien ces deux-là ne se sont jamais déroutés et vivent animés de leurs idéaux. On perçoit aussi l’admiration du fils, conscient de cet héritage. De là vient sans doute son intérêt pour les héros anonymes, les petites gens à la LULU…Ce fut toute une éducation et certains épisodes constituent autant de rites initiatiques. Le regard de ce fils, son questionnement et son art de traduire les sentiments, rendent cet album particulièrement touchant.
Mais le récit est aussi un concentré de cours d’histoire puisque Davodeau évoque les événements majeurs qui marquèrent la France et le monde depuis la libération, sans didactisme, à la manière des actualités cinématographiques du cinéma d’antan. Au menu, l’entrée en politique d’un certain François, mai 68, le programme commun, l’aventure LIP, le Larzac, le Vietnam…Le dessin, toujours aussi plaisant, reconstitue toute une époque sans que l’abondance de cartouches ne pèse.
Outre l’histoire de la gauche et l’expression d’un certain anticléricalisme, l’album est sans doute aussi une invitation à la réflexion sur l’engagement et l’action en ces temps qui semblent si peu faits de solidarité et d’optimisme.

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