Comme je vis sur une jolie île perdue au milieu de ce vaste Océan Indien, il m’est quasi impossible de trouver en librairie les dernières parutions BD. Les rayons se contentent généralement des classiques signés Hergé ou Goscinny. A ……* est donc devenu mon ami, malgré les délais d’acheminement. Mais cet isolement, couplé à ma curiosité, est l’occasion de me tourner vers d’autres albums édités notamment par des petites maisons insulaires qui méritent d’être découvertes.
Avec cet album, Tehem, dont l’inspiration n’est pas sans rappeler Tcho, nous embarque dans un road movie fantaisiste et trépidant à travers l’île de la Réunion au temps des seventies.
Le récit s’ouvre sur un préambule,: Serge Ha-Fok, le Chinois du coin, adresse un courrier au rédacteur en chef de la revue « Photos d’Arts Magazine ». Les jours ouvrables, il tient l’une de ces boutiques aux marchandises éclectiques. Songez que les ventilateurs trônent aux côtés du saucisson à l’ail et des bonbons-piments. Les client peuvent aussi siroter l’un de ces rhums arrangés ou un « solpak » dans la partie bar. Le reste du temps, il se consacre à sa passion, la photographie. Ses sujets de prédilections ne sont autres que ses clients dans leurs postures préférées. Autant dire que ses clichés sont hauts en couleurs. Une vraie galerie de portraits!
Le scénario, organisé alors en 4 chapitres nous les donne à découvrir. Les aventures de chacun semblent se dérouler en parallèle mais Tehem a l’air de croiser les intrigues et les êtres dans une successions d’aventures hallucinantes. On rencontre ainsi Thibault, ce gosse récalcitrant qui refuse « d’aller au catéchisse » et qui se plait à braver les interdits. Gérard, son acolyte, n’est pas plus sage. Pour lui aussi « le catéchisme c’est comme aller en enfer ». Il faut dire que le père manque de souplesse et que « La Françoise » ne s’en laisse pas compter. Ces deux espiègles ont un abonnement avec les catastrophes. Les « conneries » viennent à eux même lorsqu’ils ne les cherchent pas. Après c’est comme les boules de neige… un enchainement de péripéties, d’intentions qui avortent, d’imprévus plus ou moins sérieux. Le lecteur rit et ne peut échapper à une certaine sympathie. Leur chemin croise Tiquatorze, la pauvresse qui dort sous un gros banian mais qui n’est peut-être pas si démunie que cela. Comme tout le monde, ils s’interrogeront sur un mystérieux fantôme, tandis qu’Angéla, le beau parleur, est aux prises avec une jolie cafrine et Cazenove peu recommandable. Paris prend pour lui des allures d’Eldorado. Pensez, « un pays sans cafards!!! ». Bref, les destins se mêlent et s’entremêlent, les aventures se télescopent au grand dam du curé qui déplore d’avoir hérité d’une paroisse pareille. Certains se refilent du zamal, d’autres le fument, l’argent se perd, se retrouve, change de main tout comme les couteaux ou les révolvers. Même l’assassinat de l’affreux Monsieur Massain n’arrête pas cette course folle. Chaque personnage en fuit un autre, comme dans une cavale générale… mais on ne quitte pas le quartier western comme cela. On s’échauffe, on s’aime, on se hait, on se bat, mais le sentiment d’appartenance perdure, malgré les différences ethniques ou religieuses.
Tehem voyage au pays de son enfance, dans un récit sans concession mais empreint d’humour. Certains jeux de mots sont plus que délicieux. Il ne faut pas se fier à la fausse naïveté de son dessin en noir et blanc, ni à cette animalisation gentillette des personnages. Il aborde l’air de rien bien des questions de fond comme le racisme, l’inceste, la colonisation, le poids des religions et l’album devient une fable sur les difficultés du vivre-ensemble. La place du créole est aussi au coeur de ses préoccupations, ce qui explique sans doute la présence de nombreuses bulles dans cette langue. Rassurez-vous, il s’agit d’un créole assez francisé que vous n’aurez aucune difficulté à décrypter.
Si je ne suis pas fan de ce type de graphisme d’ordinaire, je me suis laissée happée par le scénario, l’intensité dramatique, le plaisir des jeux de mots et une certaine fraîcheur.
Lecture effectuée dans le cadre de hébergée chez semaine chez Stéphie
effectivement à première vue le graphisme ne m’attire pas, mais ce que tu dis sur l’ensemle, un peu plus, alors…!
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Je suis un peu comme toi, lorsque le dessin est en noir et blanc j’ai du mal. Mais, le reste de ta chronique est tellement enthousiaste que cela donne envie de découvrir cette BD.
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Moi non plus je ne suis pas séduite par le graphisme mais ce que tu en dis inverse la tendance… A voir donc…
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Une très bonne chronique qui donne envie de découvrir ce bel album. Merci à toi
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Mais de rien cher ami!
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Moi ça me tente carrément !
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L’album a un petit côté déjanté qui devrait te plaire.
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Je suis comme Jérôme !
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J’adore Tehem ! Je connais bien en plus, la Réunion, c’est mon p’tit chez moi, j’y étais encore cet été ! Tu y habites ?
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Non Noukette, je vis actuellement à l’Ile Maurice.
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Le graphisme « à la Tcho », c’est normal, Tehem faisait partie de l’équipe Tcho ^^
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Effectivement!
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Il m’a été donné l’occasion de lire Tiburce Soleil Zoreil de Tehem, j’ai bien aimé 🙂
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Je pense que je vais la lire aussi!!!
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