C’était la pièce que je ne voulais surtout pas rater et il s’en est fallu de peu puisque j’ai assisté à la dernière!!!!
Tout le monde a plus ou moins flirté avec Flaubert un moment dans sa vie. Nous avons tous dû lire au moins « Les trois contes », « L’éducation sentimentale » ou « Madame Bovary » au temps du lycée, soit un âge où l’on savoure mal ce genre de romans, où l’on n’en saisit pas la portée. Plus rares sont ceux qui connaissent bien sa correspondance, et pourtant elle vaut le détour.
C’est l’occasion de découvrir un bourgeois révolté doté d’une incroyable sensibilité. Ses coups de gueule, ses éclats, ses espoirs et ses désespérances éclatent dans une langue truculente. Sans langue de bois, le grand maître du roman y tient des propos presqu’anarchistes notamment lorsqu’il pourfend la bêtise sociale, les fausses valeurs, l’hypocrisie et la médiocrité. D’une étonnante modernité, cette correspondance détone et dénote un esprit libre.
Alors lorsque ces textes sont interprétés par un monstre de théâtre comme Jacques Weber, on se laisse inévitablement embarquer par leur foisonnement et leur puissance.
Intitulée « Gustave », sans doute pour traduire l’intimité de ces lettres mais aussi pour différencier l’homme de l’écrivain, cette pièce mise en scène par Christine Weber constituait un pur moment de bonheur. Le décor, offert d’emblée au regard du public, était superbe. Philippe Dupont, alias Eugène, donnait silencieusement la réplique à Weber, et parvenait à combler son silence par une présence d’autant plus étonnante que son acolyte gesticulait, tonnait, soufflait, bref en faisait beaucoup, mais simplement à la mesure de ce que l’on perçoit de Flaubert. Totalement habité par le personnage et le texte, il prenait à peine le temps de souffler entre les tableaux malgré un débit incroyable. Tout comme le romancier, l’acteur ne connait pas la tempérance.