Je ne voulais pas quitter Paris sans vous parler de l’exposition « Du Nô à Mata Hari, 2000 ans de théâtre en Asie » qui se tient au musée Guimet jusqu’au 31 août. Aurélie Samuel, la commissaire de l’expo nous propose un voyage à travers les siècles et les différentes variantes de cet art vivant de l’Inde au Japon, en passant par l’Indonésie, la Chine, le Cambodge et autres contrées qui me sont chères. Le résultat est superbe même si la lumière fait défaut.
Si le lien avec Mata Hari m’a semblé ténu, voire artificielle, le reste vaut franchement le détour. C’est dans la bibliothèque historique du musée que vous pourrez visionner un film retraçant le spectacle que « l’espionne » proposa au public parisien en 1905. Selon Catherine Rihoit, lady McLeod, Margaretha Geertruida Zelle, inventa alors le strip tease à la mode sous couvert d’exécuter des danses brahmiques.
Je commencerai par évoquer la présence de quelques objets insolites et bien sympathiques.
En premier lieu, le vélo-kamishibai équipé de son « butai », utilisé par les conteurs ambulants au Japon. A larrière vous pouvez découvrir le « théa^tre de papier ». Le conteur faisait défiler des rouleaux illustrés devant le public.
Ci-dessus l’ancêtre du cinéma indien!
Au fil des salles, organisées par pays, le théâtre s’offre à nous sous tous ses aspects sacrés ou profanes.
L’inde et l’Asie indianisée a longuement puisé dans les grandes épopées religieuses que sont le Mahabharata et le Ramayana, longs poèmes composés en sanskrit entre le IV° siècle avant JC et le IV° après.
Le vert signale les valeurs héroiques du personnages.
Ci-dessous, tablette de bois illustrée de scènes épiques utilisée par les conteurs ambulants en Inde.
De la Chine, je retiendrai surtout les figurines d’ombres chinoises si finement réalisées en cuir ou en papier.
La partie consacrée au Japon aborde tant le nô, que le kabuki ou le bunraku. Héritier du théâtre populaire, le nô est un art sacré particulièrement codifié qui mêle texte poétique psalmodié, chants, musique, danse et mime. Raffiné et destiné aux élites, il était l’apanage de la cour. Avec le Bunkuru on pénètre dans l’univers des marionnettes au XVII°. Les acteurs déclament le texte en jouant des effets de voix tandis que les marionnettistes, tout de noir vêtus, s’activent sur scène pour prêter vie à de grandes marionnettes (au moins un mètre) dont les yeux et la bouche sont articulés. Il s’agit d’un spectacle à destination des adultes puisant dans les épopées, les légendes ou les histoires d’amours impossibles. La particularité du kabuki est d’être exclusivement masculin. Contrairement au nô, il était plutôt l’apanage de la bourgeoisie. A l’origine il s’agit d’une danse sans intrigue inventée par une femme, imitée ensuite par de nombreuses courtisanes. Cela explique sans doute l’intervention du gouvernement qui interdit dès 1652 aux femmes de se produire. Il s’agit de spectacles éblouissants ne lésinant pas sur les effets scéniques, surtout depuis que les intrigues se sont complexifiées.


Les marionnettes du bunraku

C’est sans doute l’espace que j’ai préféré, peut-être parce que les kimonos de théâtre réalisés par Kubota lui-même m’ont laissée sans voix.

Mais je dois avouer que les costumes miraculés de l’acteur Shi Pei Pu (1903-2009) m’ont séduite. Sauvés de la révolution culturelle in extremis, ils témoignent du luxe et de la beauté de cet art au temps de sa splendeur. Codifiés, ils renseignent sur le statut et les qualités du personnage, un point partagé en partie avec l’Europe. A titre d’exemple, les robes de cour ornées de dragons étaient réservées aux personnages de haut rang tandis que les robes simplement ornées d’un motif central désignaient des fonctionnaires.
Comme vous pouvez le constater les masques, si souvent importants dans le théâtre antique, occupe une place primordiale en Asie. Ils permettaient aux acteurs de revêtir une partie de la personnalité du dieu ou de l’individu incarné avant d’être arborés pour des raisons plus simplement esthétiques.
Ci-dessous: masque de danse chhau de Purulia: Ravana, démon à 10 têtes, roi de Lanka (Inde)
Et là, un masque de nô. Notons que dans le nô, les masques sont classés par sexe et par émotion.
Le dépaysement était donc au rendez-vous, tout comme le faste et la beauté. J’aurais juste aimé l’installation d’un théâtre pour mieux me rendre compte.
A reblogué ceci sur Espace Lettres.
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