Au menu du jour, un biopic consacré au musicien Robert Johnson (1911-1938), bluesman le plus célèbre de tous les temps parait-il et dont j’ignorais, honte à moi, l’existence. Youtube me permet donc de combler quelques trous dans ma culture musicale depuis quelques jours et de découvrir la signature de celui qui voulait qu’on l’enterre « au bord d’une route, sur le bas côté, pour que le démon » qui l’habitait « puisse prendre un bus et filer ».
L’album se lit comme une tragédie, ce qui explique peut-être le choix du noir et blanc, qui apporte beaucoup de classe et de gravité au scénario. Entre l’ombre et la lumière se dessine le parcours de ce môme du Mississipi, pays sudiste qui porte encore les stigmates de l’esclavage et qui considère les musiciens comme des parias.
Abandonné par son père, il grandit auprès de sa pauvre mère avant leur départ pour Memphis. Balloté de ville en ville et de « père en père », il se raccroche très jeune à la musique, cette musique du diable pour certains, qui a pourtant, seule, le don d’apaiser une âme en peine comme la sienne. Il fréquente l’école « à reculons, comme une putain à confesse ». Ses ambitions ne sont pas là, pas plus que dans la plantation de coton. Ses rêves le portent dans les juke joints « ces églises de la nuit qui sentent bon le souffre » dans lesquelles il ne comptera plus ses admiratrices. C’est bien connu, on n’est pas sérieux quand on a 17 ans, nos rêves non plus! Il se range pourtant aux côtés de sa jeune épouse Virginia, avant que le malheur les frappe. Dieu la rappelle à lui, la musique s’offre à la douleur de Robert. C’est cela aussi le blues! Il choisit définitivement le camp des impies » et brûle sa vie, entre femmes, alcool et autres paradis artificiels, jeux, railroad gangs et autres damnés de la terre et du rythme, persuadé que l’argent pourra le délivrer de ses démons.
« T’as vendu ton âme au diable pour jouer comme ça. »
Souvent figé dans son existence par ses choix affectifs, il se décide quand même à franchir le fleuve pour gagner le nord, potentielle terre promise où les prodiges de la musique sont susceptibles de pouvoir vivre décemment. Mais voilà, comme tous les gars du coin, il a le Mississipi dans les « tripes »….
L’album, qui comporte un « song book », s’impose comme un bel objet tout en sobriété: couverture remarquable, superbe qualité du papier et format original. Les dessins de Mezzo, foisonnants, hyperdétaillés et sensibles à la fois, sont un pur délice, une invitation à se laisser embarquer dans un autre temps, à revivre cette grande époque. Le scénario de J-M Dupont, qui se présente comme un témoignage quelque peu énigmatique, achève de nous séduire. Le texte fait une large place aux chansons et participe à la recréation de tout cet univers, au point que la lecture elle même devient musicale. Il réussit cependant aussi le pari de porter un regard critique sur l’atmosphère ségrégationniste des années 30′.
Un de mes coups de cœur de l’an dernier, j’ai tout aimé, tant le fond que la forme.
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A reblogué ceci sur Espace Lettreset a ajouté:
Histoire de prendre plaisir à se cultiver
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Remarquable cet album ! Sublime !
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