Exposition Hokusai, Grand Palais du 1er octobre 2014 au 18 janvier 2015
Cette imposante rétrospective du parcours artistique du grand maître japonais de l’estampe s’organise sur un mode chronologique. Après une introduction centrée autour de la découverte et de la réception de son œuvre en France au cours du XIX°, chaque salle est réservée à une période, généralement marquée par un changement de nom de l’artiste. On passe avec aisance de la période Shunrô, qui évoque son temps d’apprentissage dans l’atelier de Katsukawa Shunshô, à sa période Sori, puis Katsushika Hokusai, Hokusai manga, Taitô, Litsu (introduction du bleu de Prusse) et Gakyô Rojin Manji (peintures de fleurs et d’oiseaux). On retrouve évidemment les œuvres majeures comme « Sous la vague au large de Kanagawa », les vues du Mont Fugi, mais aussi de sublimes kakemono. L’exposition rend bien compte de la diversité de cette carrière prolixe qui s’est illustrée aussi bien dans les éditions de luxe, les surimono, que dans les illustrations de littérature populaire, kiboyôshi, dans l’art des calendriers, éventails ou l’ancêtre de la publicité. Les registres sont tout aussi variés, oscillant entre le satirique ou le poétique. L’ensemble traduit le mouvement, la vie et relève d’une certaine dramaturgie.
« Le Fuji est vivant, il respire, il souffle, il gonfle, s’étire parfois… » Bruno Smolarz
L’exposition est assez exhaustive, dense et la disposition plus que canonique, ce qui rend la visite un peu pénible. On passe d’une œuvre à l’autre, en file indienne et cela finit par rappeler les 12 stations du chemin de croix ou la queue pour la ration du jour à la cantine. Il faut aussi mentionner que l’éclairage restreint, sans doute pour prévenir la bonne conservation des œuvres, rend sa découverte parfois délicate, notamment dans les vitrines horizontales en milieu de salle.
A propos d’Hokusai
« Voici l’homme qui a fait entrer en son œuvre l’humanité entière de son pays ». Edmond de Goncourt.
Né en 1760 à Edo (ancien nom de Tokyo), Hokusai meurt en 1849. A peine une décennie plus tard, à la faveur d’un traité commercial, la France se prend de passion pour la civilisation japonaise (japonisme). C’est notamment grâce à Félix Bracquemond qui a découvert un volume de Hokusai manga, « véritable encyclopédie du vivant », que le nom de l’artiste se répand. Ils sont nombreux, parmi lesquels Gallé, à s’inspirer de ses motifs. On retrouve une réminiscence de « la grande vague » dans « Les Baigneuses » de Camille Claudel. Ces Hokusai manga, destinés avant tout à ses élèves, donnent une idée de la parfaite maîtrise de son art et de son aura.
Malgré 93 déménagements, Hokusai vécut le plus souvent à Edo près de la rivière Sumida. Son œuvre constitue un imposant témoignage de l’atmosphère et du quotidien de cette ville. Il s’intéresse tout autant à la rue qu’à l’intimité en multipliant les détails pittoresques. On comprend combien la mythologie et les fêtes religieuses imprègnent l’existence des japonais. Kami (esprits), dieux (Daikoku, les 7 dieux du bonheur) animaux surnaturels (le dragon symbolisant les forces de la nature) et autres personnages légendaires (Minamoto, Tametomo le vaillant samouraï, les fantômes) Il rend également hommage au théâtre de l’époque, le kabuki, en portraiturant des comédiens (ex de Iwai Hanshiro) ou en représentant la salle. Ses estampes accompagnent également la trame de la pièce ou la racontent. Il excelle en outre à restituer les mouvements de la danse («la danse du moineau »).
Les bijin-ga, quant à elles, sont des estampes consacrées aux jolies femmes (« Le sifflet de la cerise d’hiver »/ « Tableaux des mœurs féminines du temps »/ « Jeune fille avec une ombrelle sous un saule »). Quelques touches de rouge assurent le charme érotique de ces représentations assez codifiées. J’ai particulièrement apprécié ces dernières.
Ce qui frappe à travers ce parcours, c’est la quête perpétuelle de l’artiste, qui n’en finit jamais de se renouveler et qui sait conjuguer la tradition à l’emprunt de techniques occidentales.