« L’hôte », de Jacques Ferrandez, Gallimard Fétiche, 2009
Un superbe album inspiré de la nouvelle d’Albert Camus tirée de L’exil et le royaume »
Je salue d’abord la superbe préface de Boualem Sansal, qui rend un hommage vibrant, sensible et intelligent à Camus, « l’Homme de la colline ».
L’album s’ouvre sur une salle de classe algérienne. L’instituteur de cette petite école du bled apprend les fleuves français à une bande d’élèves attentifs. Le soir, après les cours, il procède à la distribution de grain pour être certain qu’ils mangent à leur faim. Célibataire, anonyme, il mène une vie relativement grave et austère, « comme un moine », sur une terre aux couleurs si chaudes que la sécheresse sévit.
« Il n’y a que des pauvres, ici…des fantômes en haillons… »
Son attachement au lieu, à cette terre natale, l’empêche cependant de rêver à un ailleurs moins sec, moins difficile, malgré les prémices de la guerre…Mais un jour où la neige a succédé à la torpeur sèche, le gendarme Balducci débarque avec un prisonnier, un arabe qui aurait assassiné son cousin pour une sombre histoire de blé. Notre enseignant a reçu l’ordre d’aller le livrer 20 km plus loin. Est-ce bien là son rôle ? S’exécutera-t-il ?
Le scénario, très économe à l’image de la discrétion du personnage, se construit comme une tragédie moderne, parfaitement injuste et absurde. Le dessin, qui alterne couleurs chaudes et glaciales au rythme des saisons mais aussi du resserrement tragique, apporte une touche de réalisme mais souligne surtout la profondeur du personnage et de son hôte inattendu.
Jacques Ferrandez a vraiment l’art de traduire Camus !