BD

« Le bleu est une couleur chaude », Julie Maroh, Glénat, 2010


Un album coup de coeur! Le_Bleu_est_une_couleur_chaude Edité chez Glénat, cet album signé par Julie Maroh a connu une libre adaptation cinématographique par Abdellatif Kechiche. Quoique récompensée par la palme d’Or à Cannes en 2013, cette adaptation ne m’avait pas pleinement séduite, comme je l’avais expliqué à l’époque ici. La BD, couronnée par plusieurs prix dont celui du Public au festival international d’Angoulême en 2011, m’a totalement conquise. Le trait de Julie Maroh, superbe, y est pour beaucoup. Elle a vraiment l’art de dessiner les visages, les regards et les détails des mains. Mais le scénario, empreint d’une certaine pudeur, ne gâche rien. Souvent les dessins parlent plus que le texte. Si l’auteure ne tourne pas autour du pot, dit les choses telles qu’elles sont, elle le fait dans le plus grand respect du lecteur. On est loin d’un ton gratuitement provocateur ou d’un prosélytisme lourd. L’album s’ouvre sur un univers assez sombre, sur un legs difficile, des journaux intimes, « des souvenirs d’ado teintés de bleu ». Des bleus à l’âme bien sûr, mais aussi des bleus chauds, comme une chevelure ou l’immensité d’un regard dans lequel on voudrait se perdre. Emma, ancienne étudiante aux Beaux Arts, surmonte les réticences et l’animosité des parents de Clémentine, pour venir les récupérer et les lire. Chaque épisode est une plongée dans un passé qu’elle découvre parfois. Julie Maroh joue alors avec les teintes pour souligner ces allers-retour entre le présent difficile, le temps de la douleur et un passé quelquefois mouvementé, mais aussi heureux. « Si j’avais su que le temps me manquerait…je ne l’aurais pas gaspillé à ce moment-là… » Il s’agit pour Julie Maroh de nous retracer les amours homosexuelles de Clem et d’Emma, une histoire qui commence par une rencontre fugace avec une chevelure bleue qui plonge Clémentine dans l’univers des fantasmes puis des évidences qui s’imposent progressivement, malgré elle, malgré sa famille, malgré la morale et les pressions sociales diverses. Qu’il est lent et âpre le chemin jusqu’à l’acceptation de soi! Cette approche de l’homosexualité est vraiment sensible. On rencontre forcément des mères allergiques à la gay-pride, « ces âneries » qui durent, des copines pleines de préjugés, un certain ostracisme, une honte d’être soi aussi. Aucun cliché hélas, juste des attitudes, des réactions encore trop fréquentes. Mais on est surtout frappé par la force de cet amour qui s’immisce dans l’existence de ces deux jeunes femmes jusqu’à l’envahir. A mon sens , l’album est aussi une très belle approche de l’adolescence, le temps de la découverte du lait-fraise, des premiers flirts, des orientations sexuelles, des atermoiements, des soirées trop arrosées, des confidences à son meilleur pote Valentin, des affrontements … Les vrais débats sont au rendez-vous, les émotions et les réponses essentielles aussi!

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