« On ne voyait que le bonheur » de Grégoire Delacourt, ou l’art de prendre une claque magistrale Voilà une lecture qui m’a profondément remuée et qui ne me laissera pas en paix avant longtemps. Il est pourtant bien difficile de chroniquer ce roman tant il vous empoigne et vous laisse coi, médusé…Qu’est-ce qu’une vie? Quel est son prix? Vaut-elle la peine d’être vécue? Peut-on vivre sans amour? Peut-on survivre à trop d’amour? C’est sur ces interrogations rassemblées dans un préambule original et sublime que s’ouvre le récit. Antoine, expert en automobile auprès d’une compagnie d’assurance est bien placé pour savoir qu’elle ne tient souvent qu’à un fil, voire à quelques euros dérisoires. «il m’a demandé 27 euros, 27 euros pour entendre que l’homme que j’aime va mourir… » C’est ce qu’il s’efforce d’expliquer à son jeune fils Léon dans une première partie qui mêle auto-dérision, humour, sarcasmes, gravité et réflexions philosophiques. Le rythme , scandé par une litanie de chiffres, est haletant et nous balade entre passé et présent, souvenirs d’enfance et mal de vivre, comme si le futur était inenvisageable. Entre absence d’amour et trop plein, il a tenté d’y croire et de se frayer un chemin, mais Antoine n’ose décidément pas, Antoine de s’aime pas. Il n’a jamais cru en sa valeur. « A quel moment un homme se rend-il compte qu’il ne sera pas un héros? » A travers son personnage , savamment construit, et des analyses psychologiques d’une rare acuité, Grégoire Delacourt dresse un panorama de l’existence et de l’humaine condition. Il les envisage dans leurs moindres retranchements, dans ce qu’elles peuvent avoir de plus noir, de plus désespéré. « Une vie se rate si vite. » L’espoir tente aussi de percer, notamment sous la forme d’un leitmotiv, d’un fantasme récurrent qui consisterait à boire un cocktail situé au milieu de nulle part au Mexique, comme s’il agissait d’un nouvel Eldorado. Une vie tient à peu et échoue vite, certes, , mais on pourrait se demander, comme certains protagonistes, à qui la faute. Antoine enquête, suivi dans cette démarche par sa fille Joséphine. L’écriture incisive de Delacourt se penche ainsi sur l’atavisme, l’amour, la famille, la transmission. Nul besoin d’être psycho-généticien pour concevoir qu’il est schémas familiaux qui se répètent, des cercles vicieux et des chaînes dont il est difficile de se défaire. On tente de fonder sa vie, on détruit, on reconstruit. On se bat, on abat. On prend les armes ou les rend, c’est selon. On fait ce qu’on peut, ce qu’on croit juste. On espère et on désespère. On aime, on quitte , on est quitté. On a peur de l’abandon, mais on est aussi tenté par la fuite. On s’aveugle et on se trompe. On trompe aussi. C’est peut-être vivre, mais ce n’est pas l’idée première qu’on se fait de l’existence et c’est sans doute là l’origine de la désespérance. Jeune, on rêve toujours que la vie est une ligne droite, sans percevoir que ce serait d’un ennui mortel. Le roman est à cette image, âpre, tortueux. Mais il est aussi incroyablement nourri d’une foi dans cette forme d’amour inconditionnel qui autorise tout, même le pardon. L’écriture de Delacourt semble gagner en profondeur à chaque ligne, tout en demeurant curieusement jubilatoire. Gravité et légèreté se fondent dans une vision de l’homme qui échappe à l’insoutenable parce que le choix des mots et l’économie de la phrase permettent de saisir l’indicible, l’humaine vérité.
J’ai rarement lu un billet enthousiaste sur ce livre… Du coup, tu attises ma curiosité.
Bises de Capp
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J’ai vraiment aimé, et Aubane aussi.
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Leil a beaucoup aimé aussi !
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alors je vais me ‘detacher’ des autres commentaires elogieux car je n’ai pas du tout aimé le livre !!
autant j’aime cet auteur ‘que je suis’ autant là j’ai été très déçue ..
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J’ai rencontré d’autres avis négatifs. J’aime les autres romans de Delacourt aussi, mais il me semble que son écriture prend sa pleine mesure dans celui-ci.
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