« Le chat du Rabbin, Tome 3, L’exode » de Joann Sfar, Editions Poisson Pilote, 2003
Le titre rappellera à beaucoup le second livre de la Bible qui voit la consécration de Moise au service de Dieu d’un point de vue religieux et politique. C’est l’épisode de la sortie d’Egypte du peuple hébreu et du don des dix commandements. Le livre retrace alors leurs pérégrinations à travers le Sinaï en direction de la Terre promise. Mais nous devons garder à l’esprit qu’en grec le terme signifie plus simplement « hors de la route ».
Dans ce nouvel opus de Sfar, Zlabya, la fille du rabbin, qui vient tout juste d’épouser le jeune religieux, Jules, rêve de son voyage de noces en France. Certes il s’agit de rencontrer sa belle-famille, mais pour elle, la Terre promise se confond surtout avec Paris et le monde de la mode. Ses pérégrinations se limitent à quelques rues et à la Samaritaine. Elle est prête à tout pour se sentir parisienne.
Ce qu’elle avait moins prévu sans doute, c’est que son père et le chat Moujroum seraient du voyage.
Les premiers jours, Abraham, notre rabbin, porte un regard facilement critique sur ce nouveau monde, au grand dam de la jeune épousée qui le regarde « avec des yeux si noirs » qu’on dirait « Pharaon qui maudit Moshe Rabenou». Il s’éloigne donc un peu, et part en quête de son neveu Raymond Rebibo, un chanteur en quête de succès et de gloire. Il vit ainsi un véritable exode dans les rues parisiennes et découvre, avec une certaine naïveté d’abord, leurs réalités. Après s’être demandé comment on pouvait trouver la gare de Lyon à Paris et avoir éprouvé un certain malaise devant le Christ, « ce rabbin de Palestine qui agonise sur la croix », il se fond dans un univers interlope, au risque d’ébranler quelques unes de ces certitudes. On ne fricote pas toujours avec la tentation sans dommages.
Moujroum vit pareillement ce choc des cultures et des religions aux côtés d’un chien errant.
L’humour est au rendez-vous, mais le scénario va bien au-delà. La confrontation des rites, des croyances ou des non-croyances, pose discrètement la question de la distinction entre foi et religion mais aussi celle de la tolérance. J’ai particulièrement apprécié les interrogations du père de Jules sur la profession de son fils:
« il faut avoir été conditionné; il faut avoir souffert; il faut être analphabète ou ne vraiment rien comprendre à l’existence, pour vouloir faire ça! »
Moyennement séduite par le trait du dessin, je le suis bien davantage par ces personnages qui gagnent effectivement en profondeur au fil des albums.
J’ai lu la série. C’est vraiment une bonne BD.
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Tout Pareil. Je n’ai pas encore visionné le film…par contre
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