BD, Jeunesse

« Bouche d’ombre » de Maud Begon et Carole Martinez, Casterman, 2014


Un coup de coeur!
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Inconditionnelle de l’écriture et de l’univers romanesque de Carole Martinez, je ne pouvais que me laisser tenter par cette BD en me rendant au ciné hier soir. Vive Paris et ses librairies ouvertes en nocturne!
L’album s’ouvre sur les paroles d’une de mes chansons préférées du groupe mythique Téléphone: « Je rêvais d’un autre monde…Je rêvais la réalité. Ma réalité…Et la lune est si blonde , ce soir, dansent les ombres du monde… ». Une métalepse intéressante (c’est d’ailleurs une figure récurrente au fil des pages) nous projette ainsi immédiatement dans la nuit de Lou, une adolescente de 16 ans, élève en classe de première. Une nuit qui tient davantage du cauchemar imprégné de ses lectures de jeunesse et de quelque conte macabre que du doux rêve. Deux jeunes soeurs appartenant à un milieu rural ancestral sont soumises aux aléas difficiles de l’existence et sauvées, au moins temporairement , par deux moines étranges…
Lou est contente de se réveiller dans un Paris du XX° et de retrouver ses chaleureux camarades de classe pour un footing. Curieuse manière de se rendre au lycée Camille Sée! En chemin, on discute de cours séchés, de la jolie prof de math ou des bulletins qu’il conviendrait d’intercepter ou de falsifier. Lou oublie ce songe étrange et n’a pas encore conscience qu’il est peut-être le signe d’une hérédité surprenante. Sa tante Josette n’a-t-elle pas exercé 30 ans durant ses talents de médium dans une caravane installée Place de la Convention?
On discute aussi au pas de course de la soirée de samedi chez Boule. Il faut toutefois attendre le cours de français pour que quelques idées de génie surgissent et viennent pimenter les loisirs de la bande. Le prof, parfaitement inconscient des dommages collatéraux que pourrait avoir son cours, contextualise l’oeuvre de Victor Hugo, « Ce que dit la bouche d’ombre »:
« Sur l’île de Jersey, où Victor Hugo s’est exilé, il est initié au spiritisme. Il transcrira ses discussions avec les fantômes de sa fille Léopoldine, de Napoléon, de Shakespeare, de racine. »
Il n’en faut pas plus pour séduire Nassim, Marc, Céline, Flo et Lou, qui rivalisent toujours d’imagination et de bavardages. Tous sont d’avis qu’il s’agit d’une expérience à tenter un jour prochain. Auparavant, il faudra assurer la soirée du samedi, ce qui n’est pas si évident. Marc, le pro du vol à l’étalage leur lance un défi: « Celui qui vole le plus d’exemplaire des « Contemplations » avant samedi aura gagné! ». « Le ticket d’entrée c’est une bouteille et au moins un exemplaire » du recueil par personne.
C’est beau tout de même cette jeunesse avide de littérature!
Pour le spiritisme, on attendra le mercredi, les tables n’ont qu’à bien se tenir! Un grenier, des rideaux tirés, une table ronde, un verre et des lettres sur des bouts de papier et le tour sera joué. Qui n’a pas tenté ce genre d’aventure dans ses jeunes années? Qui ne s’est pas amusé à se faire peur? A mettre en doute ses certitudes?
Mais s’il est des lendemains qui déchantent, des matins où l’on se jure que l’on ne boira plus jamais de sa vie, il est aussi des séances de spiritisme et des superstitions qui peuvent conduire à des extrémités. Que sortira-t-il donc de cette bouche d’ombre??? Quelles vérités affleureront?

J’ai adoré le scénario. Captivant, intelligent et sensible il nous balade constamment d’un monde à l’autre, entre illusion et réalité, mensonges et vérités. Le texte est émaillé de clins d’oeil à la littérature, ce qui ne gâche rien. En deçà de l’expérience de spiritisme, Carole Martinez aborde des questions de fond comme la famille recomposée, l’hypnose ou la superstition. Un adorable chat noir traverse d’ailleurs l’album. Les ado, espiègles et parfois un tantinet border-line, sont si attachants qu’on attendrait volontiers de nouvelles aventures. La tendresse est de mise aussi, notamment à travers les personnages de Nassim et de Marie-Rose, la jeune haïtienne.
J’ai un peu moins apprécié le dessin de Maud Begon, surtout sur les premières planches. Elle a un sens inné du détail et les décors sont superbes, mais les personnages m’ont semblé moins réussis et les couleurs pas toujours bien choisies. Certains jeux sur les ombres et la lumière sont cependant source de plaisir.

2 réflexions au sujet de “« Bouche d’ombre » de Maud Begon et Carole Martinez, Casterman, 2014”

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