« L’homme qu’on aimait trop », André Téchiné, 2014
La caméra d’André Téchiné s’est souvent intéressé aux questions de la délinquance, des conflits familiaux, aux rêves brisés qui conduisent à la mort, autant de thématiques que l’on retrouve dans ce dernier long métrage présenté hors compétition à Cannes en mai.
Ce film s’inspire du livre témoignage « Une femme face à la mafia » signé de Jean-Charles et Renée Le Roux et nous plonge dans l’affaire Maurice Agnelet.
Je ne suis généralement pas fan de ce type de cinéma (j’ai boycotté le fameux « Welcome to New York » d’Abel Ferrara ), mais j’ai gardé un excellent souvenir du brillant « Omar m’a tuer » de Roschdy Zem. Le casting me semblait intéressant, j’apprécie généralement le réalisateur et le titre m’intriguait.
Quid du synopsis?
Courant 76, Agnès Le Roux, brillamment interprétée par Adèle Haenel, regagne la France après l’échec de son mariage. Il s’agit pour elle de tourner une page africaine. Ce retour la confronte très vite au délitement de ses relations avec Renée, sa mère, propriétaire du casino « Le Palais de la Méditerranée ». La jeune femme, qui a besoin de rebondir, de se reconstruire et surtout de s’émanciper de cette femme de pouvoir, réclame sa part d’héritage. Renée, de son côté, est aux prises avec des difficultés financières et avec Fratoni qui rêve de s’emparer de son casino. Les relations entre les deux femmes ont toujours été délicates, conflictuelles. L’amour se cache pourtant entre deux « piques », deux incompréhensions, deux gestes avortés. La caméra de Téchiné parvient d’ailleurs à traduire à la perfection le poids de ces non-dits et cette affection vraie qui peine à s’avouer et à se dire. Renée est une femme forte, Agnès est finalement plus fragile, même si elle tente de se convaincre du contraire. Avide d’aimer, elle succombe au charme de Maurice Agnelet, l’avocat et l’homme de confiance de sa mère. Cet homme, qui collectionne davantage les femmes que les succès professionnels et les billets de banque, va creuser le fossé qui les sépare, plus ou moins animé d’un désir de vengeance… A travers Agnès, c’est aussi Renée qu’il cherche à atteindre, à détruire. Il conduit également, malgré lui peut-être, sa maîtresse aux portes d’une folie amoureuse imprudente et ravageuse. Accorder à un tel amant une procuration sur un compte renfermant 3 millions, revient un peu à donner une corde à votre assassin pour qu’il vous pende, même si son coeur bat un peu pour vous. Maurice en a bien conscience, lui qui explique détester qu’on mélange argent et sentiments. Pleinement consciente et avertie qu’elle ne pourrait jamais posséder Maurice, Agnès se laisse hâpper par la passion, la tragédie n’est pas loin. Après une tentative de suicide, elle disparait à la Toussaint 1977, sans que l’on puisse jamais retrouver son corps. S’agit-il d’une disparition volontaire? D’un autre suicide? D’un meurtre? La justice a mis plus de 20 ans à trancher, tandis que Renée a toujours été convaincue de la culpabilité d’Agnelet. Le film évoque donc le combat judiciaire de cette mère éplorée.
Téchiné nous plonge péniblement dans l’univers niçois du jeu et de la mafia dans un long métrage qui s’éternise et manque de souffle et d’ampleur. On pénètre certes dans les arcanes d’une célèbre affaire judiciaire qui n’a vu son ultime conclusion qu’en 2014, mais il peine à peindre le contexte de cette guerre des casinos, qui n’est certes pas l’essentiel de son propos mais qui aurait pu conférer une certaine épaisseur à l’intrigue. Le mafieux corse Fratoni, interprété par Jean Corso, tient plus du bisounours que du gangster. Plus que l’affaire et le procès, c’est cet amour douloureux et mortifère que le réalisateur vise à retranscrire. Les dialogues entre Agnès et son amant sont justes et beaux et leur affrontement psychologique est assez convaincant. Les textes écrits par la jeune femme sont stupéfiants et apportent une once de charme douloureux à ce film en demi-teinte. Les décors de Nathalie Roubaud traduisent certes le luxe, le faste superficiel de ce monde de l’argent, mais la reconstitution du procès est réduite au rang d’avatar. Le maquillage de Guillaume Canet, vieilli frise même le ridicule.
On pourrait apprécier que le réalisateur se refuse à imposer une vérité…qu’il laisse au spectateur le soin de juger et de délibérer. Mais la caméra s’attarde trop longuement sur les visages, les petits gestes et les silences, si bien que le film manque de rythme, s’étire et tient parfois de l’illustration gratuite. Le scénario, signé de Téchiné et de Cédric Anger manque d’intensité et échoue d’autant plus à nous captiver pleinement que les mouvements de caméra sont souvent désagréables à l’oeil. Heureusement le casting remarquable nous permet d’adhérer aux personnages. Le jeu de Catherine Deneuve, tout en sobriété et en suggestion, nous conduit aux émotions tragiques. Son impuissance à sauver sa fille de la catastrophe ne nous laisse pas indifférents. Guillaume Canet n’est pas en reste et incarne à la perfection cet individu insaisissable. Son interprétation est par ailleurs soutenue par la présence sublime d’Adèle Haenel, qui contribue sans nul doute à magnifier son interprétation.
Mince, je lisais justement un article sur ce film ce matin et je me disais que j’irais bien le voir! J’aime Téchiné, et cette histoire est terriblement romanesque, mais ton avis me fait hésiter du coup!
J’aimeJ’aime
oui, j’étais bien tentée aussi…
J’aimeJ’aime