Littérature étrangère

« Plan de table », Maggie Shipstead, Belfond 2012


« Plan de table », Maggie Shipstead, Belfond 2012 plandetable

Winn Van Meter, la petite soixantaine, s’apprête à vivre le plus long week-end de son existence, le plus cauchemardesque aussi. Il marie sa fille aînée, Daphné, dont il déplore la grossesse avancée. Certaines choses ne se font pas ! Il doit donc rejoindre la famille dans leur propriété secondaire sur l’île de Waskeke.
« Il aurait aimé que le ferry le ramène à une époque où ses filles étaient encore petites et où ils étaient seuls tous les quatre à Waskeke. »
Le temps du trajet craintes et souvenirs se mêlent dans un étrange imbroglio, mais Winn est pourtant loin d’imaginer tout ce qui les attend, le temps de cette narration organisée en 3 longues journées.
Maggie Shipstead nous raconte alors dans le menu détail les péripéties qui pimentent les préparatifs de ce mariage à l’américaine, comme savent les organiser les bonnes familles puritaines. Mais très vite le vernis se craquèle dans ce huis clos trépidant. Biddy, comme toute mère de la upper-class, rêve d’un mariage parfait tandis que Winn s’efforce de résister à l’attrait qu’exerce la jeune Agatha, l’une des demoiselles d’honneur. Véritable bombe, cette dernière le plonge dans les affres terribles de la tentation. Livia sa plus jeune fille, thalassomaniaque et étudiante en biologie marine, cherche quant à elle le moyen d’oublier Teddy Fenn et son avortement. Elle qui vit toujours à découvert, en exhibitionniste de l’émotion, va s’adonner au plus grand laisser-aller. Dominique et Piper, les autres demoiselles d’honneur, ainsi que les frères de Greyson, le futur marié, s’égarent entre les verres de gin ou de vodka et le marivaudage. Céleste, la belle-sœur alcoolique et collectionneuse de divorces, ne s’en laisse pas conter non plus. Seule Biddy, semble finalement conserver toute sa dignité.
Winn a vraiment du mal à survivre au milieu de toutes ces femmes et à se faire une place, « il sentait bien qu’elles l’avaient toujours vu dans le rôle qui deviendrait le sien : celui de l’adjoint, du contributeur subalterne, du canard boiteux, chassé du centre des affections de sa femme. ». Maniaque, il prend en charge la cuisine, mais se voit quand même livré à une certaine vacuité qui lui laisse tout le loisir de songer à ses souvenirs et à ses frustrations. Ancien étudiant de Harvard, membre de l’Ophidian Club, il ne décolère pas de ne pas être admis au Péquod, le club de golf de Waskeke. Comment pourrait-il accepter de se cantonner au golf public, lui dont la famille a tant fait pour se hisser à ce rang ?
J’ai apprécié la façon dont Maggie Shipstead construit l’intériorité de ses personnages, notamment Livia, fort touchante. Emotions et sentiments sont mis à nu sans concession et avec une certaine finesse, hélas parfois contrebalancée par la lourdeur, voire l’outrance de certaines situations. Si ce premier roman reflète un sens intéressant de la psychologie humaine, notamment dans les dialogues très rythmés, il a des aussi des accents de mauvaise comédie américaine que l’auteure devrait gommer dans ses prochains romans. « Plan de table », qui offre une critique parfois acide de la société américaine, reste cependant un roman à découvrir.

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