« Pour quelques milliards et une roupie » de Vikas Swarup, Belfond 2014
Vikas Swarup est un écrivain indien qui a gagné la célébrité avec « Slumdog millionnaire », film à grand succès tiré de son premier roman.
Ce dernier récit, fortement inspiré des films bollywood, se présente comme un conte philosophique, empreint d’humour, mais il flirte aussi avec le thriller. Leçons de vie et regard sans concession porté sur l’Inde d’aujourd’hui, se fondent dans une narration palpitante.
Le roman s’ouvre sur l’affirmation suivante « Dans la vie, on n’obtient jamais ce qu’on a mérité, on obtient ce qu’on a négocié ». Il y a en effet matière à méditer. Il s’avère cependant que l’héroïne mérite bien souvent ce qu’elle négocie.
Le écrit nous plonge dans Delhi, ville contrastée s’il en est, où demeure Sapna Sinhga, la narratrice, embarquée dans une sale affaire, « un exemple édifiant de ce qui arrive quand une collision entre cupidité et crédulité débouche sur une catastrophe sanglante dite homicide volontaire avec préméditation ». Sapna, accusée à tort du meurtre de Vinay Mohan Acharya, risque en effet la peine capitale et fait, bien malgré elle, la une de tous les médias.
Mais avant de se demander si elle parviendra à se sortir de ces sales draps, il convient de comprendre comment cette jeune vendeuse, si droite et si raisonnable, a pu se trouver ainsi impliquée.
Sapna, assez pieuse, fréquente régulièrement le vieux temple de Singh Marg dédié au dieu singe Hanuman. Elle ne s’y rend pas pour prier mais pour expier le suicide de sa sœur Alka qu’elle ne parvient pas à se pardonner. Elle honore ainsi également Durga, la déesse des causes désespérées lors de darshans, têtes à têtes avec la déesse. C’est là qu’elle rencontre pour la première fois Vinay Mohan Acharya, le riche dirigeant de la société ABC (Acharya Business Consortium). Malade, ce dernier, accompagné de son bras droit Rana, veut lui offrir la chance de lui succéder au poste de PDG et d’empocher ainsi dix milliards de dollars. Lorsque Sapna l’interroge sur son choix il lui avance que les gens heureux ne font pas de bons PDG et qu’il veut « quelqu’un qui a faim ». Il aspire également à trouver quelqu’un de pieux : « Nous vivons au Kali Yuga, l’âge des ténèbres, l’époque du péché et de la corruption ».
La corruption se trouve en effet au cœur de ce roman édifiant. Reste à savoir si Sapna va se corrompre ou non en acceptant la proposition de Vinay.
Cette dernière vit pauvrement avec sa mère, Ma, et sa sœur Neha, dans la plus désolante des cités HLM de Rohini, une banlieue de Delhi. Neha n’a qu’un but dans l’existence, devenir célèbre. « Parfaitement consciente du potentiel économique de ses atouts génétiques », elle est « prête à exploiter sa beauté pour parvenir à ses fins ». Sapna, quant à elle, a dû renoncer à ses études pour pourvoir à la survie de sa famille après le décès de son père. Les difficultés financières s’accumulant, elle décide d’accepter ce qui lui semble pourtant une proposition douteuse et se rend au siège d’ABC dont la devise est « Clairvoyance, détermination, discipline et dur labeur », autant de qualités qu’elle possède déjà mais qui vont sans nul doute être malmenées. Ce pacte plus ou moins diabolique suppose en effet qu’elle accomplisse 7 épreuves dont elle ne connaît pas la teneur. Il s’agit finalement d’un apprentissage, d’un véritable parcours initiatique visant à parfaire ses connaissances et sa personne.
« L’école fait appel à votre mémoire. La vie, elle, fait appel à votre personnalité ».
Elle devra ainsi prouver son sens du leadership, son intégrité, son courage, sa clairvoyance, sa réactivité, son ingéniosité… La narration de ses péripéties sont alors l’occasion pour l’auteur de nous brosser un tableau assez complet de l’Inde, dans ses réussites comme dans ses échecs. Il passe ainsi au crible la société indienne dans sa plus grande diversité et aborde les grandes questions sociales, politiques et économiques propres à son pays.
Que va-t-il donc advenir de l’éducation rigoureuse et rigoriste de Sapna??? La puissance de cet argent, qui donne une voix et une assise, va-t-elle la corrompre ou contribuer à faire d’elle une belle personne ? Résistera-t-elle à Vinay, ce marionnettiste peu angoissé par les dommages collatéraux de ses machinations ?
Je trouve c blog très dépaysant, dans le bon sens du terme. Je n’avais pas entendu parler de ce livre (ni tu film tunisien que tu as commenté). Cela donne très envie de le lire. Je vais aller voit à la fnac. Belles photos aussi.
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