« La demande », Michèle Desbordes, Gallimard 2001
Le récit s’ouvre sur un dimanche matin d’avril, en Sologne, au XVI°. Tandis que les villageois s’affairent, un groupe d’hommes harassés par un long périple approche avec inquiétude. Voilà 73 jours qu’ils ont quitté la Toscane et qu’ils sont en route « dans la pluie et le brouillard ». Le plus vieux d’entre eux, le maître, est un sculpteur-architecte-ingénieur qui s’est vu offrir « rente, manoir et domestiques » par le roi de France s’il acceptait de mettre son art au service de sa grandeur. La mission première de ces exilés reste la conception et l’édification de châteaux dignes de la majesté de ce roi mécène. Jamais le nom de Léonard de Vinci, ni celui de Michel Ange ne sont cités, mais on devine leur présence tutélaire au fil du récit.
Ils sont accueillis au manoir de Clan, sur les bords de Loire, par une domestique. « Tranquille et patiente elle avait attendu, n’avait rien imaginé du maître qui arrivait ni de ceux qui l’accompagnaient », ses élèves Salai, Melzi, Fanfoia.
Michèle Desbordes nous raconte alors cette étrange complicité qui se noue progressivement entre cette paysanne, qui s’occupe de leur intérieur et qui s’efforce à la plus grande transparence, et cet artiste vieillissant, qui porte comme un regard ultime sur le monde. Il y a d’abord les silences et les jeux de regards, parfois appuyés, souvent furtifs. Chacun s’observe, songe et conjecture. Michèle Desbordes, s’appuyant sur une écriture extrêmement précise et sur une alternance des points de vue proche de la technique du champ/ contrechamp, souligne combien ces deux regards divergents sur le monde vont finalement se rencontrer et générer une complicité évidente entre ces deux êtres que tout oppose. Le maître, qui ne quitte jamais ses carnets dans lesquels il dessine et écrit, cherche un certain repos de l’âme que cette femme semble susceptible de lui offrir. Mais si l’écriture l’apaise, à l’évidence, lui permet de mettre de l’ordre dans son esprit, dans sa vie et de repousser les ombres, il apprivoise parallèlement la servante et dompte ses silences. Leur acuité visuelle particulière, leur goût et leur sens des couleurs ainsi que leur penchant pou les synesthésies les réunissent.
« et tout le temps qu’il la regardait il se rappelait le passé, derrière les regards et les odeurs, cherchait la tiédeur et l’odeur de sa peau, les images… ».
A travers la description de leur quotidien et de leurs humeurs fortement marqués par les saisons, l’auteure dévoile l’intimité de ces deux là, qui se perdent dans de longues conversations comme pour esquiver l’essentiel. Les non-dits restent pesants, tout comme l’écriture poétique de Desbordes qui s’enlise un peu, à mon sens, dans les paysages des bords de Loire. Pourtant une demande lui brûle les lèvres…Si les saisons semblent s’enchaîner à un rythme effréné, celui du récit est d’une lenteur ennuyeuse.
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