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« Un enchantement » de Christian Durieux, Futuropolis, 2011


« Un enchantement », Christian Durieux, Futuropolis, 2011 Couv - enchantement.qxd:Mise en page 1

Je partage avec vous ce soir la découverte d’un album étrange, « une nuit magique au Louvre », comme l’annonce l’éditeur sur le bandeau.
Tout commence par un banquet organisé un soir au Louvre…en l’honneur d’un départ en retraite. Les tables sont dressées sous le tableau de David représentant le sacre de Napoléon. Le narrateur, censé être le héros du jour, ne peut s’empêcher d’y voir une marque d’ironie ou le signe d’une intention plus ou moins perverse à son égard. Le manque de goût rivalise en outre avec la démesure et la bêtise. Il esquive donc le repas et décide d’aller fêter cela tout seul, dans un endroit désert du musée, non sans subtiliser subrepticement deux bouteilles de Graves.
« Je suis à un âge où c’est un devoir de ne plus dîner en aussi piètre compagnie. »,
S’ensuit alors une folle rencontre, entre ce vieil homme, ex ministre des finances du temps où le ministère avait ses quartiers au Louvre, désireux, dit-il, d’assassiner au cyanure le président du conseil italien pour injure envers la peinture italienne, et une jeune fille fantasque et débrouillarde, dotée d’une « patience de statue ».
« Le vieux renard en pleine débauche avec une nymphette ? »
Les gardes ne sont vraiment plus ce qu’ils étaient ! Que fait donc cette jeune et belle inconnue dans le musée à cette heure tardive ? D’où sort-elle, si cultivée et si espiègle à la fois ? Son ton charme tout autant le vieillard que sa silhouette, et il se laisse incontestablement séduire par cette conversation à bâtons rompus qu’ils poursuivent jusque dans le lit de Mme Récamier. Lui qui semblait n’être plus qu’un mort vivant attendant son heure, retrouve une joie indicible. La jeune femme a tout d’une muse, d’une initiatrice au sens surréaliste du terme. Déambulant à travers les galeries, il redécouvre à ses côtés les lieux dont il est le conservateur. Il réapprend à voir ce qu’il ne regardait plus. La référence à Eluard, déjà présent dans l’épigraphe, est alors évidente : elle est celle qui ôte le voile qui endeuillait sa vue.
L’album s’inscrit dans une veine surréaliste même si les dessins paraissent plus classiques. Le scénario demeure assez énigmatique et s’appuie sur une intéressante mise en abyme qui me rappelle les Salons de Diderot. Le texte n’est pas bavard et laisse une grande marge d’interprétation au lecteur, qui se laisse aussi porter par les reproductions de tableaux ou de statues au gré des couloirs du palais. Le graphisme, soucieux du détail, décline les ocres et rend hommage aux œuvres. S’ajoute à cela un certain onirisme, qui nous embarque, ou pas. J’ai apprécié ce moment de fantaisie, même si le scénario m’a semblé parfois trop elliptique.

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