Littérature française

« Pas son genre », Philippe Vilain, Grasset, 2011


Couverture-Pas-son-genre-de-Philippe-Vilain« Pas son genre », Philippe Vilain, Grasset 2011

François Clément, professeur de philosophie à Arras, s’est toujours distingué par sa détermination. Il avance dans son existence sur le mode de la ligne droite. Seule sa vie affective est marquée par une indécision flagrante, ce qui le plonge dans des considérations philosophiques souvent déconcertantes. Il ne s’est jamais résolu à s’engager, « par paresse » mais aussi « par volonté de ne pas bouleverser » sa vie, par « désir de préserver son indépendance ». Cette indécision constitue aussi une posture qui le protège du conformisme de la bourgeoisie à laquelle il appartient.

« J’envie les hommes sûrs d’avoir trouvé l’âme sœur, la femme de leur vie, comme ils disent – pareille élection m’est impossible ! – Quand je dois me décider pour une femme, j’ai l’impression de m’engager dans une impasse, je ne pense plus à tout ce que je gagnerais, aux profits que ce choix m’apporterait, mais à tout ce dont celui-ci me priverait… »

Opter pour l’indécision, refuser de choisir, lui laisse la possibilité de rêver. Mais peut-être attend-il aussi qu’on le choisisse !

Il est animé d’un tel idéalisme qu’il n’imagine absolument pas s’amouracher de Jennifer, l’une des coiffeuses du salon « Frisélis, la mode à tout prix »…et pourtant ! La réalité pourrait bien se venger de ses rêves.

Divorcée, et mère d’un petit Dylan, Jennifer croit aux horoscopes et adore le karaoké, les magazines people et les promenades à Berck. Elle se pense trop malchanceuse pour croire en l’amour et tenter de nouveau l’aventure. Et puis ce prof élitiste, atteint d’un parisianisme aigu, l’intimide. Elle croit cependant toujours, sans oser l’avouer, au Prince charmant, ce qui semble justifier son engouement pour « Madame Bovary ». François lui, vit sa mutation à Arras comme un exil, il ignore qui sont Jennifer Aniston et Eva Longoria et ne connaît rien à Desperate Housewives. La jolie coiffeuse l’aide finalement à surmonter son séjour à Arras qu’il vit comme une punition. Lorsqu’il n’est pas avec elle, ni dans un colloque de philosophie, il fréquente assidument le café l’Elysée, ou le casino du Touquet-Paris-Plage. On ne se refait pas ! Mais s’il est content de la trouver pour animer la chambre qu’il occupe à l’hôtel Diamant, il ne peut s’empêcher de la mépriser et d’en avoir honte.

« La philosophie nourrissait mon existence quand les magazines people dévoraient la sienne. Son avenir dépendait de l’horoscope, le mien de l’étude. »

« Moi, je ne voyais plus que le vulgaire de sa robe rouge ultra décolletée, le criard de ses lèvres scabreuses enduite d’un Diorkiss rouge vif – pour embellir ses paroles, j’imagine ! […] je ne pouvais discuter avec elle sans m’exaspérer de son manque de raffinement comme de son rire chevrotant accordé au cliquetis de ses bracelets de pacotille… ».

Il ne voit en elle qu’une « Eva Longoria berckoise » « un peu en retard sur ses rêves » à lui. Bref, Philippe Vilain, n’est pas avare de clichés, vous l’aurez compris, notamment lorsqu’il évoque « le conformisme et les goûts d’employée » de Jennifer. Pourtant cette dernière permet au jeune philosophe de percevoir aussi « la vanité des choses intellectuelles ».

Lorsqu’il analyse ses sentiments, Clément fait souvent preuve d’une mauvaise foi effrayante. Il cherche souvent à se dédouaner jusqu’à ce qu’il comprenne qu’il a besoin de passions décidantes pour agir, jusqu’à ce que son sentiment de culpabilité l’attendrisse. Il perçoit alors comment le mécanisme pervers de son affection lui impose de la mépriser pour l’aimer. Mais concentré sur son nombril philosophique, François oublie sans doute que Jennifer est aussi capable de lucidité et de renoncement.

Si l’analyse de la situation et des sentiments est intéressante, je n’ai pas accroché à ce roman, sans doute parce que le personnage masculin m’exaspérait au plus haut point. Mauvaise foi et présomption constituent à mon sens un cocktail insupportable. J’ai trouvé le style de Vilain tout aussi présomptueux d’ailleurs, tandis que le récit m’a semblé artificiel.

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