Littérature française

« Le sermon sur la chute de Rome » Jérôme Ferrari, Actes sud, 2012


« Le sermon sur la chute de Rome » de Jérôme Ferrari, Actes Sud, 2012 cvt_Le-sermon-sur-la-chute-de-Rome_2076

Le récit s’inscrit dans un village corse qui ne se distingue pas toujours par sa sérénité. A l’origine de la narration, un cliché photographique datant de l’été 1918, qui se pose comme une énigme. Marcel Antonetti scrute l’allure de sa mère entourée de ses 5 premiers enfants. Il n’était pas encore né alors, et aujourd’hui, il est le seul survivant de la fratrie. D’une certaine manière, il entretient leur mémoire, tout comme il semble cultiver les non-dits et les secrets de famille.
L’histoire de Marcel est particulière. Il est l’enfant du retour de guerre, celui qui est aussi venu au monde péniblement, doté d’une respiration ténue mais d’une force de vie incroyable. Sa naissance reste pour lui comme un péché inexpiable. Il dépare dans cette famille, notamment par son goût pour l’école qui lui permet d’espérer qu’il existe « un monde palpitant » dans lequel « les hommes sa(vent) encore faire autre chose que prolonger leur existence dans la souffrance et le désarroi. ».
« Les rêves de Marcel ne se nourrissaient ni de contemplation, ni de métaphores mais de combat, un combat incessant mené contre l’inertie des choses qui se ressemblent toutes. »
Né sous le sceau de la cruauté, il incarnait pour son frère Jean-Baptiste, l’influence toxique de sa terre natale : « un cœur veule et plein de ténèbres. »

Il est aussi celui qui a mené une carrière coloniale en Afrique aux côtés de sa jeune femme refusant catégoriquement de parler une autre langue que le corse et préférant le langage du corps et de l’amour.
« Sans elle, l’amertume de sa réussite sociale lui aurait été intolérable » tant il a l’impression de vivre dans un « royaume de désolation barbare » aux « confins de l’Empire ».
Il se sent comme l’un des derniers représentants d’une civilisation en voie de disparition… « Rome » n’est déjà plus, surtout après la disparition de la jeune épouse.
A la retraite, Marcel a retrouvé la vie du village qui s’organise notamment autour du café du village. Mais le départ inopiné et inexpliqué d’Hayet, la serveuse, sème donc le désarroi et le désordre. Marie-Ange Susini, la propriétaire des lieux n’a en effet pas l’intention du tout, de s’en occuper. Il lui faut trouver un gérant, ce qui est manifestement plus facile à dire qu’à faire.
« Le départ d’Hayet marqua contre toute attente le début d’une série de calamités qui s’abattirent sur le bar du village comme la malédiction divine sur l’Egypte ».
Les repreneurs se succèdent et se brûlent étrangement les ailes, comme si le lieu était maudit. Le bar change de nom et d’allure au fil des tentatives, devenant « El Commandante Bar, Sound , lounge », puis le « Bar des chasseurs ». Certains « hérétiques » y imposent une musique techno surprenante, et remplacent le pastis par des cocktails couteux ; les autres en font un tripot. Mais tous sont entrainés vers leur chute. Aussi Marie-Ange accueille-t-elle d’un bon œil la proposition de reprise de deux jeunes du village. Si Matthieu a grandi sur le continent, il appartient à la lignée Antonetti, puisqu’il est le petit fils, détesté, du vieux Marcel. Si Libero Pintus, est d’origine sarde, il est né ici et chacun le voit comme un petit gars du village. Ils sont amis depuis l’enfance et ils interrompent les études de philosophie qu’ils partageaient à la Sorbonne après avoir rédigé leur mémoire respectif sur Saint Augustin, pour se lancer dans cette aventure. Parviendront-ils à faire mieux ? A vivre de « la connerie humaine » ?
Il semble vraiment que l’ordre des choses, si cher à Marcel, soit bouleversé.

Jérôme Ferrari nous plonge aussi dans le quotidien du village, une vie rustre et virile trop perturbée l’été par la venue des touristes : la castration des verrats a ainsi un goût amer. Il nous offre aussi une galerie de portraits hauts en couleurs, dont Virginie Susini et sa nymphomanie, Virgile Ordiani, « sa grosse carcasse » et « sa placidité d’homme préhistorique ». A travers ce quotidien et ses aléas il interroge la question de l’humanité et de la vanité de l’homme.
Ce roman, assurément bien écrit, m’a laissée de marbre. Je ne suis pas rentrée du tout dans la réflexion philosophique sous-jacente, peut-être parce que la pensée de Saint Augustin m’est trop étrangère. Je ne suis pas convaincue non plus par la construction du récit, complexe à souhait sans qu’on comprenne sa raison d’être.

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