Mattéo, troisième époque, Août 1936 » de Jean-Pierre Gibrat, Futuropolis, 2013
Si certaines existences se confondent avec des lignes droites, ce n’est pas le cas de Mattéo Cortes, émigré espagnol, qui a connu le front des Ardennes, la lutte anarchiste en Espagne, la révolution russe et Cayenne.
L’été 36 s’annonce pourtant bien. 36 c’est le temps du Front populaire, de Blum et des premiers congés payés. Les Français découvrent les vacances. Augustin, Paulin, Amélie et Mattéo se rendent à Collioure pour profiter des beaux jours chez la mère de Mattéo. Une voiture, des bagages, des amis, un pique-nique et du vin… mais aussi l’accordéon et les paroles de l’Internationale : le bonheur semble au rendez-vous.
« Tout semblait possible, même le meilleur. » « On remettait tout à plat, la France pique-niquait ».
On découvre les joies du camping et le confort des toiles de tentes !
Pourtant, Mattéo, qui a connu des temps bien bouleversés, semble indifférent, comme étranger à cette liesse.
« Il a trop de graviers dans ses souliers. »
La preuve, notre anarchiste s’intéresse manifestement plus au Tour de France qu’à la politique !
La politique est pourtant au cœur des conversations. Pour certains, Blum n’est pas un héros mais plutôt le « youpin » qui va mener la France à sa perte, l’homme à abattre. Pour d’autres, c’est le traitre qui vient de signer l’embargo contre l’Espagne. L’arrivée de Franco au pouvoir et les menaces hitlérienne et mussolinienne s’invitent aussi dans les débats et divisent les amis.
Mais la France de 1936, c’est aussi le temps de certaines spéculations et des manœuvres souterraines et peu orthodoxes de certains individus plus rétrogrades comme Albert Delcourt. Si de nombreuses familles ont payé le prix fort durant la Grande Guerre, d’autres en ont tiré profit. Albert, le « bâtisseur de mémoire » est de ceux-là, lui qui est parvenu à vendre 732 monuments aux morts. Il est si peu communiste, par ailleurs, qu’il a même du mal à partager l’ombre des arbres sur la plage. Il est de ceux qui déplorent ces congés payés et la venue massive des « ouvriers » dans le Pays Basque.
L’été 36 ne sera donc peut-être pas si paisible que cela. Les retrouvailles pour le moins inattendues de Mattéo et de la belle Juliette à la poste vont-elles bouleverser l’existence de notre anarchiste ? Que fait « la châtelaine » derrière ce guichet ? Aurait-elle compris qu’elle ne sera jamais une vraie de Brignac ? Augustin, le raisonneur, s’ouvrira-t-il à la fantaisie ? L’amour illuminera-t-il la vie de Paulin condamné à la cécité depuis les Ardennes ? L’été 36, c’est aussi celui des amours, du désamour, des révélations, des aveux et des décisions parfois inopinées.
Le scénario mêle fraicheur et gravité et nous transporte dans cette tranche d’histoire avec aisance. On a vraiment envie d’en savoir plus…Je suis toujours aussi séduite par le dessin, gai et délicat. Gibrat nous offre un univers captivant et il se distingue par son art du portrait. Il donne beaucoup d’épaisseur à ses personnages et ne cède pas au didactisme.
Il faudrait que je lise le premier tome !!!
Série notée
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