« Wadjda » de Haifaa Al Mansour, 2013 UNE PERLE SAOUDIENNE!
« Wadjda » est un événement cinématographique en soi puisqu’il s’agit du premier long métrage saoudien. Réalisé par Haifaa Al Mansour, une jeune réalisatrice et scénariste saoudienne qui a poursuivi des études de littérature au Caire, puis de cinéma à Sydney, il est nominé dans la catégorie « meilleur film étranger » pour la cérémonie des Oscars 2014. Il est produit de concert avec l’Allemagne.
Wadjda est une jeune saoudienne d’une douzaine d’années qui fréquente évidemment une école de filles dirigée par Mme Hussa, la très belle Ahd, absolument parfaite dans son rôle. Nous découvrons Wadjda comme égarée au milieu de ses camarades de la chorale. Ses « converse » détonent parmi les babies et autres chaussures vernies noires. Elle a manifestement un souci avec les paroles de ces chants religieux. Elle préfère de loin ses vieilles cassettes de rock !
Wadjda évolue entre une mère enseignante et un père aimant mais rarement présent. Il est accaparé par les préparatifs de son mariage avec sa seconde épouse, la mère de Wadjda n’ayant pas été capable de lui donner un fils. Elle passe aussi le plus de temps possible avec Abdullah, un camarade du voisinage. Ils s’amusent dans la rue ou dans la cour de Wadjda et se chamaillent. Abdullah, interprété avec beaucoup de candeur et de fraicheur par le jeune Abdulirahmen Al Gohani, rêve secrètement d’épouser Wadjda. Cette dernière rêve surtout de pouvoir mener la même vie que lui, un garçon. Elle qui dissimule déjà ses baskets et ses jeans et qui oublie régulièrement son voile, rêve d’avoir un vélo.
Tout le monde lui rappelle alors qu’une fille n’est pas autorisée à découvrir les joies de la bicyclette. Dans un pays où les hommes extérieurs à la famille directe ne doivent ni les voir ni entendre le son de leur voix, cela n’a rien d’étonnant. Faire du vélo rend stérile ! Wadjda n’en démord pas, elle veut pouvoir faire la course avec Abdullah qui s’emploie à lui apprendre à rouler dans la petite cour familiale. Un vélo coute environ 800 riyals, elle n’a plus qu’à se débrouiller pour économiser en tissant ces bracelets brésiliens que les filles cachent ensuite sous les manches de la burka ou en grappillant çà et là quelques billets pour services rendus. Mieux encore, elle pourrait participer au concours de récitation coranique histoire de tenter de gagner les 1000 riyals de récompense ! Il s’agit de savoir définir certains termes et de répondre à des questions mais aussi de psalmodier des versets du Coran (ce qui est tout un art pour les occidentaux que nous sommes !). Aussi ce jeu interactif « Le Coran facile » risque-t-il d’être fort utile.
Wadjda s’attire très vite les foudres de Mme Hussa, pas si religieuse que cela si l’on en croit les rumeurs. Cette école tient sensiblement de la prison. On inspecte les tenues, et Wadjda oublie bien trop souvent son abaya. Elle se voit également sommée de quitter ses converse. On doit proscrire toute marque de féminité. C’est donc en catimini que les plus grandes se posent du verni sur les orteils ou lisent des magazines féminins.
Mais ces règles sont les mêmes hors de l’école et le film pose évidemment la brûlante question de la condition des femmes, soumises à la police des mœurs, mais aussi au regard facilement réprobateur de tout un peuple. Le couple parental permet aussi de traiter du problème de la polygamie. Sans en faire trop, et sans trop de parti-pris finalement, la réalisatrice dévoile différents aspects de la vie des femmes et nous laisse juges. On découvre ainsi qu’il est impossible d’essayer une robe si le vendeur est un homme. On se rappelle aussi qu’une femme indisposée ne doit pas toucher le Coran sans mouchoir.
Mais le film est aussi un beau témoignage de la complicité qui peut unir une mère et sa fille, quelle que soit leur culture.
Waad Mohammed est une Wadjda très convaincante. Le casting est vraiment parfait, à l’image de l’ensemble du film qui s’impose comme un très bel hymne à la liberté.
J’ai adoré ce film, vu à sa sortie dans les salles. Je trouve le personnage de la mère bouleversant. Quant à la fille, belle leçon de ténacité! Abdullah est craquant dans son genre 🙂 On est loin des clichés, j’ai vraiment apprécié ça.
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Entièrement d’accord avec toi ! Aucun cliché, beaucoup de finesse.
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