Avec « Frères de guerre », paru en 2006 aux Editions Flammarion, collection Castor poche, Catherine Cuenca nous offre un roman jeunesse ayant pour toile de fond la grande guerre. C’est d’abord une histoire d’amitié entre Eugène Ruy et Matthias. Eugène est garçon de ferme chez le père Fayolle, le plus gros propriétaire terrien de Saint Pothin. S’il est ami avec Matthias, il est également très attaché à Grison, le « grand percheron à la robe couleur d’acier ». Le 1er août 1914, jour de la déclaration de guerre, il retrouve Matthias devant l’atelier du père Marceau, le maréchal-ferrant. Depuis l’enfance ils ont tout partagé: les jeux, les bagarres, les bêtises, les bancs de l’école et les cigarettes…Aussi n’est-il pas surprenant qu’ils éprouvent le même enthousiasme, le même élan patriotique lorsque sonne le tocsin.
La mère d’Eugène est, bien entendu, beaucoup plus réservée, à l’instar de quelques habitants qui détonnent au milieu de cette étrange liesse générale. Veuve, elle élève seule Eugène et son frère Jean-Marie alors âgé de 11 ans.
« Tu ne vois pas qu’une guerre, c’est un des pires malheurs qui puissent nous arriver? »
Etienne, lui, se prend « à imaginer des faits d’armes héroïques ».
Adrien, le frère de Matthias, est mobilisé; Grison aussi. Les deux copains, trop jeunes, restent sur le quai. Il leur vient alors l’idée de mentir sur leur âge et de s’enrôler. Ils se rendent en catimini, au petit jour, au bureau de recrutement des armées où l’on n’est ni regardant sur les documents fournis, ni scrupuleux. Reste à attendre la notification d’appel. Les voilà donc à la caserne, au « début d’une vie nouvelle et passionnante », du moins le croient-ils. Cruelle propagande!!! Vient ensuite le camp militaire, histoire d’apprendre à combattre un tant soit peu avant de rejoindre le front…C’est le temps de l’impatience et de l’innocence, les deux compères ne tarderont pas à déchanter évidemment. Ils ne sont pas affectés à la même section mais ils se croisent régulièrement. Eugène appartient au 419ème régiment d’infanterie de Vienne, Matthias au 420 ème.
« Celui qui rapporte le plus beau casque à pointe se fait payer un verre! »
Lorsqu’ils arrivent en Argonne, les soldats sont occupés à creuser des tranchées, ignorants encore qu’elles constitueraient lors unique demeure des années durant. Mais la guerre c’est aussi les corvées d’eau, la recherche de victuailles… une occasion de rencontrer la jolie Juliette… La guerre s’éternise et les combats s’intensifient. Ce sont les premiers gros bombardements, la prise du moulin et la perte de Juliette. Eugène découvre les horreurs de la guerre, les souffrances de la vie dans les tranchées, la boue, la saleté, l’humidité, les rats, les cadavres, « l’odeur aigre des corps mal lavés », les gaz… C’est dans cette ambiance chaotique qu’il fête son seizième anniversaire, l’esprit tourné vers les siens. Pour tromper l’horreur et oublier la boucherie et la barbarie, il écrit à sa famille, à Matthias… que devient son ami qui ne lui répond plus? Quand le temps de la première permission viendra-t-il? Qu’est-ce que l’ennemi? Eugène n’est plus guidé que par son instinct de survie, le désir de rentrer vivant à Saint-Pothin…
La narration est documentée et retranscrit l’essentiel de cette période. Le rythme rapide et les dialogues rendent la lecture aisée. Les élèves accrochent bien, mais les adultes aussi. Le choix du point de vue de l’adolescence confère en outre à ce récit historique la dimension d’un roman d’apprentissage. C’est un excellent compromis entre réflexion, connaissances et plaisir.
Je ne connais pas, je note!
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