« Gervaise » de René Clément, 1956,
Adaptation du roman de Zola, « L’Assommoir » 1876
Film primé deux fois à la biennale de Venise : grand prix de la presse internationale et prix de la meilleure interprétation féminine pour Maria Schell
René Clément nous propose ici son adaptation du célèbre roman naturaliste. Le titre signale d’emblée le parti pris du cinéaste de faire de Gervaise le point focal de sa narration. Le film s’ouvre sur la jeune femme attendant le retour de son compagnon Lantier sur le trottoir. Tandis qu’elle s’occupe de leurs deux enfants, Etienne et Claude, ce dernier profite des charmes d’Adèle, la voisine d’en face. Dans leur meublé plus qu’exigu, le couple en proie à des difficultés financières, est en crise. Lantier quitte d’ailleurs Gervaise sans autre forme de procès et sans aucune élégance. Blanchisseuse depuis ses dix ans, celle-ci organise alors sa survie et continue de croire à la vie.
Vient alors la rencontre puis le mariage avec Coupeau, le couvreur qui a moins de classe que Lantier. Mais il a au moins le mérite d’être prévenant et gentil, à défaut d’être fortuné. Gervaise semble pouvoir enfin être heureuse, du moins a-t-elle la naïveté de le croire. René Clément insiste en effet sur l’innocence de la jeune femme, longtemps candide face à la dégringolade de Coupeau au fil des années. La naissance de la petite Nana, l’ouverture de sa boutique donnent à Gervaise l’illusion que la roue a enfin tourné. Mais chez Zola, le bonheur est toujours de courte durée. Le mariage des Coupeau est bien pluvieux, certes !!!! Mais même la mariée était en noir. Si l’on sait bien que la décence à l’époque voulait qu’une mère célibataire ne se marie pas en blanc, sa robe noire ne peut qu’être de mauvais augure.
J’ai depuis toujours une prédilection pour les films d’époque de ces années-là. Les costumes de Mayo et les décors de Paul Bertrand sont un ravissement. Rêne Clément nous offre une agréable promenade cinématographique dans le Paris de ce second Empire naissant, reconstitué avec beaucoup de vérité. Il accorde une place de choix aux milieux prolétaires et aux petits métiers. L’image a le sens des détails parfois les plus infimes et le réalisateur manie l’insert avec intelligence. La photo de Roger Corbeau rappelle de temps à autre les clichés de Doisneau, et le noir et blanc rend hommage au visage lumineux d’une Maria Schell très convaincante. Son léger accent autrichien se confond finalement assez bien avec le parler d’une femme du peuple. Côté casting, Suzy Delair s’approprie fort bien le costume de Virginie Poisson, la fausse-amie et rivale de Gervaise. J’ai beaucoup aimé le regard de Clément sur les femmes d’une manière générale, oscillant entre hommage et compassion, mais n’hésitant pas non plus à montrer toute la perfidie dont elles sont capables. François Perrier donne toute sa dimension à Coupeau. Je salue la prestation de Jacques Harden, un comédien que je ne connaissais pas, et qui incarne un Goujet (le forgeron amoureux de Gervaise) charmant et tout en sensibilité.
Les scènes de groupe et les scènes de rue sont très réussies…. Clément sait jouer de l’intensité et de la tension dramatique. Il opère des coupes dans le roman, recourt à des ellipses temporelles, ce qui lui permet de mettre en lumière les épisodes clefs du roman, et quelquefois à une voix off, pour ce concentrer sur ce qui lui semble essentiel. La scène du lavoir, notamment, est un véritable morceau de bravoure ! On retrouve bien l’esprit de Zola et son sens de l’épisme.
Je note la référence 😉
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Je ne le connaissais pas, quelle inculte je fais!
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Ben non Dan, la production est telle qu’on est forcément sélectif …
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