Littérature française

« Deuils de miel » de Franck Thilliez


« Deuils de miel » de Franck Thilliez, Editions La vie du Rail, 2006
deuilsdemiel
C’est encore une fois mon amie Stéphie du blog Mille et une frasques qui m’a donné envie de découvrir l’univers assez glauque de Franck Thilliez. Profitant d’un voyage en France, je me suis rendue chez MOLLAT à Bordeaux où je n’ai pu que constater que Thilliez est un auteur prolixe. La difficulté était donc de faire un choix, d’autant qu’il me fallait écarter les titres à dimension fantastique dont je ne suis pas friande.
Mon choix s’est porté sur « Deuils de miel », qui met en scène une nouvelle fois le commissaire Sharko, personnage récurrent de Thilliez. Le titre me plaisait, ce que tendait à confirmer la quatrième de couverture.

L’incipit permet d’établir un lien discret avec les romans précédents, puisque Sharko revoit les décès accidentels de sa femme Suzanne et de sa fille Camille, en bordure de nationale. On comprend assez vite que Sharko est un homme profondément meurtri et que son épouse avait été particulièrement mise à mal dans « Train d’enfer pour Ange rouge », publié en 2003. Depuis il a tenté de se reconstruire et de réapprendre à vivre, mais on ne se débarrasse pas si facilement de ses fantômes ni des douleurs qui nous hantent, surtout lorsqu’au hasard d’une promenade en Bretagne on croise Patrick Chartreux, « commercial friqué », le chauffard qui a fait volé notre vie en éclats.
La narration est menée par Sharko, flic de son état et amateur de trains électriques à ses heures perdues, une passion qui ne facilite pas l’oubli bien évidemment! A peine rentré en région parisienne, Franck, qui œuvre désormais au 36 du Quai des Orfèvres, est appelé pour une enquête plus que prometteuse. Un meurtre a eu lieu dans l’église d’Issy les Moulineaux. La victime est une quinquagénaire, dont le corps nu et agenouillé « dans la loge des pénitents du confessionnal » laisse tout le monde perplexe, même le Christ: « En face, Jésus pleurant, trainant derrière lui ses siècles de calvaire ». Le calvaire des enquêteurs, lui, ne fait que commencer. Un véritable chemin de croix s’annonce au pays de l’horreur pour Sharko, Sibersky, Martin Leclerc, le légiste Van de Velde et Del Piero. Le crâne rasé de la victime est curieusement couvert de phéromones et de 7 gros papillons, des achérontia atropos pour être exacte ou sphynx à tête de mort en raison de cet étrange dessin qu’ils portent sur l’abdomen. Compte-tenu de ses avatars bretons avec Chartreux, Sharko ne peut pas diriger seul l’enquête et doit collaborer avec la belle Del Piero.
Cette mise en scène spectaculaire indique qu’il s’agit d’un crime orchestré avec la plus grande minutie. En témoigne l’inscription inspirée du dernier livre de la Bible, l’Apocalypse selon St Jean, digne du Da Vinci Code, placée à plus de 10 mètres du sol! Cette orchestration a-t-elle un lien avec le rituel de la confession? Souvent « dans un crime, l’environnement peut justifier les actes ». S’agit-il d’un crime inouï et isolé ou du premier acte d’un sérial killer? Les questions se bousculent d’autant plus dans les esprits que l’assassin semble déterminé à jouer avec les nerfs et l’intelligence des policiers, qu’il tend à confondre avec des pions. Assurément, « Cette enquête pu(e) le jeu de l’oie grandeur nature » et s’annonce comme « une longue et macabre affaire ». Sharko, qui a déjà bien du mal à juguler ses soucis personnels et ses propres démons se voit alors confronté à une fillette diabolique, à un grand malade des insectes et à une course contre la montre effrayante.
Le rythme est en effet trépidant, même si le personnage effectue des va et viens réguliers entre le présent et le passé. L’intrigue est bien ficelée et bien menée, sans être vraiment innovante. On perçoit bien les influences de Thilliez, notamment « Le silence des agneaux » et l’auteur n’échappe pas à certains poncifs (le flic électron libre insouciant et insoucieux des règles et de sa hiérarchie…). L’écriture est intéressante, mais cette recherche constante de la poésie qui vient contrebalancer une ambiance dure et franchement gore peut agacer à la longue. On se laisse prendre cependant, et même piéger. C’est du bon polar dans le sens où il active nos méninges tout en nous hérissant les poils.

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