« La source des femmes » de Radu Mihaileanu, 2011
Une merveille!
« Va, vis et deviens » m’avait conquise, « Le concert » m’avait subjuguée, « La source des femmes » m’a enchantée !
Le film, qui se présente comme un bel hommage aux femmes, s’ouvre sur leurs visages douloureux quelque part entre pierres et montagne, désert et chemins escarpés. Dans un village sis entre l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient, elles sont chargées de l’acheminement de l’eau alors que la sécheresse règne. Ces femmes sont le lien indéfectible entre la source et le village. Elles sont la vie. Elles la donnent, assumant ainsi leur fonction première qui est la procréation ; elles la perpétuent en charriant l’eau, principe de vie. Ces femmes vivent ensemble au lavoir, au hammam, dans les cours des concessions…Elles chantent, dansent, pleurent et devisent avec vivacité. Mihaileanu filme superbement leur cohésion, leur esprit d’entraide mais aussi les inimitiés, notamment entre Leila, l’héroïne et Fatima, sa belle-mère. Les femmes s’affairent, souffrent dans leur chair et leurs entrailles tandis que les hommes, voués à une certaine oisiveté imputable à la sécheresse, se retrouvent au café, jouent aux cartes et aspirent à posséder leurs épouses quotidiennement.
Leila, l’étrangère, la fille du sud et du désert, fait partie de ces femmes qui ont perdu un enfant dans la montagne en assurant le transport de l’eau, aussi appelle-t-elle les autres à la révolte. Elle se voit soutenue dans sa démarche par Vieux Fusil, une veuve qui n’a pas sa langue dans sa poche. Les débats sont ouverts, permettant au cinéaste d’aborder bien des questions de fond : les mariages arrangés, la virginité, les nuits de noce, les violences conjugales et le viol, le port du hijab, l’éducation des filles et leur accès à la scolarité mais aussi le fondamentalisme. Leila déploie alors une belle énergie pour les convaincre de faire la grève de l’amour jusqu’à ce que les hommes acceptent de se charger de l’eau.
On dit de Leila que « Le vent du désert lui a donné le courage de souffler ». On dit de ces femmes que Satan s’est emparé d’elles.
Contre toute attente, Leila trouve le soutien indéfectible de son mari, Sami, instituteur qui milite pour le droit des filles à une scolarité et qui croit à la possibilité d’un Islam éclairé, d’un Islam « des Lumières ». Il faut dire que ces deux là ont imposé à leurs familles un mariage d’amour.
Tandis que les hommes font de la résistance, dépêchent l’imam pour les convaincre de leur erreur, usent de la violence, et se demandent ce qu’elles « font de leurs journées au lieu de laver le linge », ces femmes déploient avec humour force ruses pour parvenir à leurs fins. Elles sont bien décidées à ne plus s’en laisser compter, surtout quand Vieux Fusil veille au grain, affirmant que « Beaucoup de fourmis tirent un lion », ou que Leila, la seule à savoir lire et écrire, leur lit Les contes des mille et une nuit » pour les éduquer et leur apprendre la sensualité. Ce livre, selon elle, c’est leur identité.
« Vieux fusil tes paroles sont des balles. »
Comment ce village en guerre retrouvera-t-il la paix ? Les femmes parviendront-elles au bout de leur quête ?
Le film est un hymne aux femmes tant par le scénario que par la photographie de Glynn Speekaert qui sublime leurs visages et chacun de leurs gestes. Speekaert mise sur la lumière et les couleurs orientales superbement renchéries par la musique d’Armand Amar. Le film est alors une magnifique invitation au voyage à laquelle contribuent les décors de Christian Nicolescu et les costumes. Mihaileanu joue avec les effets de clair-obscur pour ménager la tension dramatique d’un récit où la vie foisonne. Le cinéaste s’appuie également sur un casting brillant. Leila Bekhti, plus belle et plus lumineuse que jamais, incarne une Leila convaincante et attachante. Hafsia Herzi qui incarne Loubna, la petite sœur de Sami, abreuvée de feuilletons mexicains, est remarquable. J’accorde une mention spéciale à Biyouna, chanteuse et danseuse algérienne, qui endosse magistralement le rôle de Vieux Fusil. Les hommes ne sont pas en reste : Saleh Bakri apporte tout son charme au personnage de Sami, Mohammed Majd incarne un Hussein, chef de clan de la famille de Sami, empreint d’une grande humanité. Ce film fort est par ailleurs empreint d’un humour délicieux. Il joue sur les contrastes entre modernité et traditions, s’amusant notamment d’un objet comme le téléphone portable. La scène dans laquelle Biyouna discute au téléphone sur son âne en plain désert est particulièrement désopilante !
Vous l’aurez compris, « La source des femmes » va compléter la liste de mes films cultes.
Tu me donnes envie de le voir, ce film…
J’avais adoré « Le Concert », aussi.
J’aimeJ’aime
Tu passeras un bon moment, j’en suis certaine! Mihaileanu a le don de créer des univers, il a aussi un grand sens des plans et de l’image. C’est magnifique.
J’aimeJ’aime
Nous avions adoré ce film avec mon homme: as-tu vu le reportage à propos de ce que sont devenus les acteurs non professionnels, les gens qui vivent donc réellement cette vie? Edifiant!
J’aimeJ’aime
Non je n’ai pas vu ce reportage mais tu me mets l’eau à la bouche, je vais voir s’il est sur la partie bonus.
J’aimeJ’aime