Littérature étrangère

« Le laquais et la putain » de Nina Berberova


« Le laquais et la putain » de Nina Berberova, 1986, Editions Actes Sud laquaisputain

Ce court roman de Nina Berberova, puissant et condensé, se lit comme une tragédie.
Fille d’un fonctionnaire pétersbourgeois, Tania Arkadievna née Choubina, a perdu sa mère alors qu’elle n’avait pas 15 ans. Elle connaît une adolescence austère et facétieuse auprès de sa sœur Lila et d’Ella, la vieille gouvernante. Une mutation paternelle les conduit en Sibérie puis la révolution bolchévique les mène au Japon. Tania découvre alors que sa sœur lui fait de l’ombre, un sentiment qui ne fait que s’accroître lorsqu’Alexei Ivanovitch lui préfère Lila. La voilà désormais prête à toutes les audaces. Alexei l’épouse et l’emmène à Shanghai. Ce sera là sans doute sa seule victoire sur la vie. Tania, toujours insatisfaite, le pousse à migrer jusqu’à Paris. Cette installation met un terme à leur bonheur. Au sein de la communauté russe, parmi Nadia, Goulia et les autres, elle cherche à donner un sens à sa vie. Quête vaine s’il en est ! C’est désormais la course à l’amour, à l’argent… comment trouver une raison de continuer ? Comment dépasser la tentation du suicide ? Sa rencontre avec Bogolovski, serveur de son état, condamné à la même misère économique et humaine, lui apportera-t-il la solution ? Tout cela c’est un peu l’histoire de la « roulette russe »…Quand on n’a plus rien, on peut chercher à fantasmer sa fin et à lui donner du sens et de l’importance.
« Pourtant il en existe d’autres, pensait-elle, de minces et distinguées, souriantes, rassasiées, qui travaillent quelque part comme secrétaires ou vendeuses, couchent avec le patron, vont aux sports d’hiver, achètent tout ce qui est à la mode…Pourquoi pas moi ? »
« Ses mains tremblaient quand elle recomptait l’argent. Elle avait deux projets, et l’un excluait l’autre.
Le premier consistait à acheter un révolver, s’empiffrer et se suicider ensuite. L’autre, à se faire faire une ondulation, aller chez le pédicure, s’habiller à son avantage et dîner au restaurant, de telle façon que quelqu’un, sans faute, paie pour elle et qu’elle sorte du restaurant accompagnée. »
« Se tuer parce que question « plaisir », ça n’a pas marché, parce que les racines des cheveux sont grises, que Bogolovski est pauvre, ennuyeux et vieux, qu’il n’y en a pas d’autre, et rien dans l’avenir. »

La narration est dense, la tension dramatique extrême. Il y a là matière à une adaptation cinématographique ou dramatique. J’ai aimé l’écriture, les personnages, la portée philosophique du texte et cette teinte « russe » qui donne au récit une épaisseur particulière.

1 réflexion au sujet de “« Le laquais et la putain » de Nina Berberova”

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s