« Escort boys » d’Anne Bragance, Editions Mercure de France, 2013
Après certaines lectures passionnantes mais difficiles, j’ai eu envie de légèreté… ce que semblait promettre le titre de ce dernier roman d’Anne Bragance.
La narration s’organise en 3 grands moments : le point de vue masculin, celui des femmes et puis le temps des interrogations ultimes et des décisions.
Manolito a grandi, choyé et adulé, au milieu de 7 femmes. Clarissa sa mère, célibataire endurcie vit de ses rentes et de sa futilité. Elle initie son fiston, dès son plus son jeune, aux joies du shopping. Pour lui plaire il l’accompagne jusque dans les cabines d’essayage des plus beaux magasins de lingerie fine. Viennent ensuite les amies de sa mère, « les vieilles fées », « ses mères d’opérette », qui sont autant de bonnes marraines veillant sur le bon déroulement de son destin et autant de célibataires.
« il la suivait dans la cabine dès lors qu’elle lui avait fourré une poignée de petites culottes dans la main droite et enfilé quelques soutiens-gorge au bras gauche. A dix ans, il connaissait la taille des bonnets qui convenaient à sa mère. »
« il tenait à merveille son rôle de petit boy conseiller. » « elle affirmait qu’il était son gentleman accompagnateur ».
Les vieilles fées ne sont pas en reste : plus Manolito grandit plus elles apprécient sa compagnie, qu’elles finissent par monnayer chèrement, sous le regard complaisant et satisfait de Clarissa.
« Lorsqu’elle mit au monde cette merveille qu’était Manolito, elle l’offrit à ses amies comme une poire pour la soif, un cadeau du ciel. »
Il faut dire que les 7 se connaissent depuis le temps du pensionnat des Myrtilles, « qui prétendait au chic » !
Parvenue à la page 20, je me demande si Anne Bragance m’invite à une réécriture de Sex in the City, vaguement revisitée par le monde des contes… quelques clichés m’agacent…Mais j’ai vraiment envie de légèreté ! Je ne m’étendrai pas trop sur le titre de l’un des chapitres « La belle au bois dormant » ni sur le côté un peu lourdingue de la référence.
« Le jour de ta naissance, lorsqu’on te posa dans ses bras, nous étions toutes les 6 autour du lit de la nouvelle accouchée. Clarissa nous demanda alors à chacune de t’accorder un don ou une vertu, et c’est ainsi que tu fus doté par tes bonnes fées de la gentillesse, de l’intelligence, de la beauté, de la sensibilité, et j’en passe ? » (il faut croire que Bragance avait épuisé tous les stéréotypes !)
Si le premier chèque reçu a heurté la sensibilité de Manolito, il apprécie rapidement cette comédie sociale. Clarissa meurt prématurément, Manolito lui érige un autel dans leur hôtel particulier tandis que les fées s’emploient à entretenir son moral. Manolito, ingénieur chimiste par accident et lecteur invétéré, mais aussi unique rejeton d’une famille fortunée, s’octroie finalement une année sabbatique pour réfléchir aux priorités de son existence. Quels sont ses atouts ? Sa voix « aux inflexions profondes et troublantes » (vous apprécierez la précision). Ses défauts : ce n’est pas l’homme des décisions rapides, « il répugne à déplaire » si bien qu’il « se met toujours en situation de souscrire au désir de l’autre, quand bien ce désir va à l’encontre du sien ». Il est versatile et fragile.
C’est par accident, au propre et au figuré, qu’il élargit son cercle et « sa clientèle » avec la riche et autoritaire Catherine S. avide de rencontrer un chevalier –servant qui soit là à la demande ». Il se trouve que Catherine a beaucoup d’amies et un formidable carnet d’adresses ! (nous voilà confrontés à une réécriture évidente du personnage de Mme Claude…). Il ne reste alors plus au lecteur qu’à souhaiter que les autres ne se vautreront pas autant dans la vulgarité langagière la plus gratuite. S’ensuit une série de rencontres et de portraits féminins : Lourdes (mais oui mais oui, Anne Bragance n’a peur de rien !!!!), Céleste, Aurore…Il connaît parfois des crises de conscience qu’il jugule en optant pour un pèlerinage. Mais n’allez pas croire qu’il navigue entre Lourdes et Lourdesse (la cliente). Un pèlerinage pour Manolito consiste en une virée shopping empreinte de la nostalgie de son enfance.
Son enquête sociologique (mais si mais si…) s’intensifie lorsqu’il rencontre Bastien, un homologue plus expérimenté, qui lui permet de varier les expériences, les cas de figure et d’élargir ses horizons. L’autre intérêt de Bastien réside aussi dans l’existence de Babette, sa sœur.
Je serais tentée de dire que les points de vue féminins sur ces rencontres élèvent un peu le débat, même si on n’échappe toujours pas aux clichés et aux stéréotypes. Une phrase m’a quand même bien plu :
« Mon patrimoine immobilier témoigne aujourd’hui des sévices que j’ai subis pendant les trente-deux années de ma vie conjugale. »
Tout le monde n’a pas la chance de tomber sur un mari tout aussi généreux que violent !!!
Ce n’est cependant qu’une légère embellie que la fin, particulièrement déceptive et grotesque, anéantit bien vite.
Le récit se laisse lire et peut éventuellement détendre le lecteur qui peine à se remettre d’une semaine harassante et pénible. Le sujet aurait pu être intéressant, traité avec humour ou non, mais Anne Bragance ne parvient jamais à dépasser certains poncifs.
Je n’ai vraiment pas apprécié :
– certains clichés : oui oui elle nous fait le coup de l’amour et de bicyclette !!!!
– un humour qui me semble un peu contraint « un diplôme d’ingénieur chimiste – à part lui, il pense ingénieur fumiste… » ou encore « ça le défrise » « et comme il a les cheveux naturellement bouclés, sa coiffure s’en trouve endommagée, ce qui est très regrettable. »
– certaines métaphores un peu téléguidées : « «sa mémoire se débande aussitôt »
Le roman manque cruellement d’ambition et d’épaisseur. Ce n’est vraiment pas ce type de légèreté que je recherchais.
Je passe mon tour… même si certains passages ont l’air désopilants!
Bisous!
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C’est loin d’être une lecture essentielle en effet.
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Oui cela n’a rien d’une lecture incontournable.
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