« La Rivière noire » d’Indridason
Cela faisait un moment que j’avais envie de découvrir cet auteur dont on me vantait les mérites, aussi me suis-je laissé tenter par le bandeau annonçant « un bijou de la littérature policière ». C’était le bouquin rêvé le temps d’un trajet de Paris à Bordeaux.
L’intrigue:
Le roman semble s’ouvrir sur un scénario on ne peut plus classique: un violeur verse du Rohypnol (autrement dit du GHB) dans le verre de sa nouvelle proie… Ce qui est moins classique, c’est que l’on retrouve le fameux violeur égorgé le lendemain, vêtu du tee-shirt de la jeune femme. La scène de crime a de quoi glacer le sang de l’inspectrice Elinborg, déjà frigorifiée par le climat islandais. Ce qui l’intrigue plus que tout c’est la dose massive de GHB que Ronulfur, la victime que l’on a peine à plaindre évidemment, semble avoir ingurgitée… Les seuls indices sont un châle, attribut féminin par excellence, et une odeur d’épices indiennes qui rappellent quelque chose à Elinborg. On se demande logiquement si nous n’avons pas affaire à une nouvelle version de l’arroseur arrosé. La jeune femme s’est-elle vengée? Notre cadavre en savait-il trop sur les traffics de GHB? L’a-t-on tué pour éviter qu’il ne parle?
L’enquête conduit notre inspectrice dans les bas fonds de Reykjavik qu’Indridason ne nous incite guère à visiter. La campagne éloignée et les bourgades comme Akranes dans lesquelles une véritable chappe de glace semble vouloir taire à jamais les secrets les plus inavouables ne sont pas plus hospitalières. Tout est froid dans ce roman, au propre comme au figuré. Même la vie de famille d’Elinborg, sur laquelle l’auteur s’appesantit un peu trop à mon goût, manque de chaleur. Pourtant Elinborg, qui écrit aussi des livres de cuisine à ses heures perdues et qui culpabilise souvent d’être peu présente au sein de son foyer, s’efforce d’entretenir une certaine chaleur humaine autour de sa cuisine. C’est d’ailleurs ses talents culinaires qui vont curieusement la mettre sur une piste. Heureusement, parce qu’ils ne parviendraient pas non plus à nous laisser envisager un séjour gastronomique en Islande!!!
Mon avis:
J’ai bien aimé le point de vue féminin de l’enquêtrice, sa détermination et sa roublardise parfois. L’air de rien, elle ne se dégonfle jamais et mène les interrogatoires avec brio. Cette atmosphère froide, qui me tenait d’abord à distance, a fini par me conquérir d’autant plus que l’intrigue est bien menée. Le rythme peut paraitre lent et pourtant on ne s’ennuie pas. Les personnages sont bien campés et les analyses psychologiques sont fines. L’écriture est soignée (du moins la traduction). Le tout donne un polar assez original!
PS: je me demande pourquoi le ministère du tourisme islandais n’a pas encore entamé de procès à l’encontre de cet auteur qui ruine l’image de son pays….
Mon passage préféré:
A propos des enfants de l’inspectrice Elinborg:
« Ils étaient très friands de séries policières à la télé. Plus jeunes les garçons avaient été aussi impressionnés qu’excités par le fait que leur mère travaille à la Criminelle, comme ces gens exceptionnels qu’on voyait dans les feuilletons. ils n’avaient toutefois pas tardé à comprendre que ce qu’elle leur racontait ne correspondait en rien à ce qu’ils connaissaient. Les héros des séries avaient généralement un physique et des attitudes de mannequins, ils étaient excellents tireurs et leurs paroles faisaient mouche à chaque fois qu’ils se frottaient à des malfrats calculateurs. En outre, ils résolvaient les enquêtes les plus complexes à la vitesse de l’éclair et citaient la littérature mondiale entre deux courses-poursuites. Les plus atroces des meurtres étaient perpétrés à chaque épisode, parfois il y en avait même deux, trois ou quatre, le salaud était toujours attrapé à la fin et il recevait un châtiement amplement mérité. »I